Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/300

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Diane, mécontente du point où elle avait conduit la conversation, se demandait déjà comment elle allait persuader au Roi de consentir à voir en elle seule trois cent soixante-cinq femmes diverses ; mais le bon Pausole remuait dans son esprit des scrupules de tout autre sorte :

— Je devrais peut-être, fit-il, aller plus loin… J’y ai déjà songé… Eh ! qu’il est parfois délicat d’accorder son propre bonheur et sa propre liberté avec la liberté et le bonheur des autres ! C’est un idéal impossible : il faut toujours aller jusqu’au sacrifice. Et alors la question se pose de savoir qui doit se sacrifier… Je veux bien la résoudre contre moi, cette question, si elle se rapproche ainsi de l’équité…

— Contre vous ?

— Eh ! Oui ! Je me rends compte qu’en obligeant ces jeunes femmes à une continence absolue pendant presque toute leur adolescence, je leur fais acheter trop cher les satisfactions que le titre de reine peut donner à leur tendresse ou plus souvent à leur vanité. Elles s’en accommodent. Je le sais bien. Cela est pourtant contre la nature, et je me suis demandé parfois si je ne devrais pas lâcher le corps des pages nuit et jour dans le harem en fermant les yeux sur ce qui se passerait