Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/88

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bliger les gens à répéter un nom qui peut ne point leur plaire. Tu m’as conquis dès le premier mot. Dis-moi cependant le nom que tu portes, quitte à le changer si je t’y invite.

— Sire, mon nom s’écrit G, i, g, l, i, o. Prononcez-le comme vous voudrez, à l’italienne ou à la française. Djilio ou Giguelillot.

— Djilio, fit Pausole, c’est un poète et Giguelillot, c’est un fou. Je voudrais que tu fusses l’un et l’autre.

— Je le voudrais aussi, dit le page très sérieux. Et je le désire si ardemment que je finirai peut-être par y arriver.

— Pourquoi veux-tu être poète ?

— Pour ne rien voir, fût-ce une mouche, avec l’œil de mon voisin.

— Tu n’aimes pas ton voisin ?

— Je ne lui veux pas de mal. J’aime mieux ne pas être lui, voilà tout.

— Et pourquoi veux-tu être un fou ?

— Si mon voisin m’appelle un fou, je comprendrai tout de suite que je ne lui ressemble pas.

— Mais si tu deviens pire ?

— C’est bien difficile.

— Comment le sauras-tu ?

— À son attitude. S’il me laisse en repos, c’est