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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/165

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Mais, comme une fois déjà Mlle Lili avait commis à mon égard un outrage à la pudeur en venant « s’asseoir là-dessus », selon l’expression de sa mère, je la fis changer de posture. D’ailleurs, je me sentais las d’être couché.

Sans me mettre en frais d’imagination, je plaçai la petite debout sur un tabouret, au bord du lit, le corps incliné en avant. Dans les histoires véritables, les postures sont toujours plus simples que dans les romans.

« Tiens-toi bien ! fit Teresa. Tu as l’air d’une petite marchande de violettes qui monte sur son panier pour se faire enculer dans les chiottes d’un bistrot.

— Et pour avoir l’air d’une petite princesse, comment faut-il se faire enculer ? » dit Lili.

Elle s’y prit comme une enfant sage et redevint sérieuse à l’instant.

Tournant la tête du côté où sa mère ne la voyait pas, elle me regarda par-dessus l’épaule avec une gentille expression des yeux et un petit baiser à peine dessiné. Cela signifiait : « Je ne te dis rien parce que maman est là. » Mon regard lui répondit que nous nous comprenions ; mais ce fut avec le même mystère, car plus les petites filles sont petites et plus les grands secrets sont grands.

Notre dialogue silencieux fut bientôt, ainsi qu’on le pense, interrompu par Teresa qui ne dissimulait plus son excitation.

Teresa me lança un sourire où je crus voir de la férocité, un sourire des dents plutôt que des lèvres, et elle me dit à l’oreille :

« Te prostituer ma fille à dix ans, par le cul,