Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15

I[ws 1]

« Eh bien, vous êtes vif ! dit-elle. Nous emménageons hier, maman, mes sœurs et moi. Vous me rencontrez aujourd’hui dans l’escalier. Vous m’embrassez, vous me poussez chez vous, la porte se referme… Et voilà.

— Ce n’est que le commencement, fis-je avec toupet.

— Ah ! oui ? Vous ne savez pas que nos deux appartements se touchent ? Qu’il y a même entre eux une porte condamnée ? et que je n’ai pas besoin de lutter si vous n’êtes pas sage, monsieur. Je n’ai qu’à crier : « Au viol, maman ! Au satyre ! à l’attentat ! ».

Cette menace prétendait sans doute m’intimider. Elle me rassura. Mes scrupules se turent. Mon désir délesté fit un bond dans l’air libre.

La jeune personne de quinze ans qui était devenue ma captive portait des cheveux très noirs noués en catogan, une chemisette agitée, une jupe de son âge, une ceinture de cuir.

Svelte et brune et frémissante comme un cabri lancé par Leconte de Lisle, elle serrait les

  1. Note de Wikisource : Dans la plupart des autres éditions de ce texte, le premier chapitre est précédé de la note suivante :
    AVIS À LA LECTRICE
    Ce petit livre n’est pas un roman. C’est une histoire vraie jusqu’aux moindres détails. Je n’ai rien changé, ni le portrait de la mère et des trois jeunes filles, ni leurs âges, ni les circonstances.