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concupiscence et la jovialité bruyante de Teresa troublait sans cesse les efforts que je faisais pour rester grave. Il s’en fallut de peu que le flagrant délit ne fût manqué. Par hasard, Mauricette prolongea son absence de quelques minutes : cela seul permit à Lili de continuer la scène selon ses conceptions et lui donna l’accessoire qui lui était indispensable.

Dès la rentrée de sa sœur, Lili reprit son rôle :

« C’est vrai, mademoiselle, que vous travaillez Monsieur depuis avant-hier, sans arriver à rien ?

— Penses-tu, grenouille ! Je l’ai sucé à dix heures et demie, il m’a enculée à onze heures.

— Que vous dites ! mais il était mou comme une loque devant vous, et voilà comment j’ai le plaisir de vous le rendre. C’est vingt francs. Voulez-vous une facture ? »

Mauricette fit un geste de la main qui menaçait Lili de quelques représailles ; mais elle resta de bonne humeur et, sans se martyriser l’imagination, elle dirigea son rôle de façon à tenir sa promesse :

« Je n’ai pas d’argent, dit-elle, mais ce que tu tiens vaut mieux. Prends-le la première, ne me l’abîme pas, rends-le-moi et nous serons quittes. »

Lili eut alors l’expression la plus comique de toutes : un mélange de désillusion, de politesse et d’indifférence, et cessant de me toucher elle dit à sa sœur :

« Ce sera vingt francs de plus. »

Visiblement, Mauricette n’attendait qu’un