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la bouche, que ce n’était pas plus difficile que ce que j’avais déjà fait, et que Lucette voulait bien m’apprendre.

« Oh ! je vois bien ce que tu penses… que c’était plus facile pour Lucette que pour moi… Eh bien, ça n’est pas vrai. Réfléchis une minute : est-ce que tu le ferais ? Je te connais aussi, moi, maintenant. Suppose une pauvre gosse de dix ans qui n’a jamais essayé ça. Est-ce que tu aurais le courage… ! Moi, je trouve que Lucette a été bien gentille et bien complaisante. Et elle avait pitié, la pauvre fille. Je me rappelle que chaque fois, pour n’avoir pas l’air de m’humilier, elle m’embrassait sur la bouche après. Pauvre Lucette !

« Que veux-tu ? je fais tout ce qu’on me dit. J’ai appris ça comme le reste. D’ailleurs il ne faut pas croire qu’on le fait tous les jours. Mais c’est bien utile à savoir parce qu’on fait tout le temps des choses qui y ressemblent. Un homme qui prend deux gousses, qui encule la première et qui lui fait chier le foutre dans la bouche de l’autre, ça, c’est courant… Le soir, à dîner, Lili rigolait parce que ça t’avait choqué qu’elle se retire ta queue du cul pour te la sucer. Qu’est-ce que c’est que ça ! On en voit, je t’assure, dans le métier de putain ! »

Elle poussa un profond soupir, non sur son passé, comme on pourrait le croire, mais sur son défaut d’éloquence. À genoux au milieu du lit, assise sur les talons et tenant entre les mains ses cheveux noirs qui s’étaient défaits et qui lui couvraient les cuisses, elle dit d’une voix désespérée :