Donne-moi le courage d’aller jusqu’au bout, d’oublier le rêve de toute ma vie et de ne pas haïr.
Jacques…
Un jour… à quoi bon, hélas !
Combien tout ce bonheur me semble loin de moi !
Mes yeux se sont ouverts. Je comprends maintenant la tristesse invincible qui pesait sur mon cœur dans ces derniers mois ; je croyais toujours pleurer ma mère et c’est sur moi que je pleurais.
Je me souviens, je me souviens… Jacques s’est défendu longtemps ; j’ai assisté, aveugle, à sa défaite, sans rien tenter pour le sauver…
Janvier. — Jacques est arrivé hier : il faisait un joli temps d’hiver, sec et brillant ; le jardin était jonché des fleurs virginales de la neige nouvelle ; le givre pendait aux branches en stalactites de cristal.
Jeanne est allée seule le recevoir à la grille du jardin ; de la fenêtre du salon, je la regardais marcher doucement, toute pâle encore, comme une fleur de neige aussi ; chaudement enveloppée d’un châle dont la blancheur encadrait sa jolie tête frisée, elle était adorablement jeune, et cependant comme empreinte d’une gravité nouvelle, dans ce paysage hivernal.
Je les voyais sans qu’ils me vissent ; toute défaillante, Jeanne s’est appuyée à la grille au moment où Jacques est descendu de voiture : il a couru vivement à elle et l’a soutenue de son bras ; j’ai fermé les yeux…
Fin Janvier. — À quoi bon te raconter ma vie, mon cher petit journal ? à quoi bon essayer avec toi d’analyser mes sentiments, de fixer mes rêves ?
Je sais aujourd’hui que tout ce que la vie contient de plus doux, c’est la pensée intime du devoir accompli, surtout quand ce devoir s’appelle sacrifice ; rien d’autre ne répond à notre attente et aux besoins de nos cœurs.
J’ai cru, un jour, que le bonheur était encore ailleurs : dans l’union de deux âmes et de deux existences, confondues en une seule pour la joie et pour la douleur.
Cette pensée, je dois la chasser comme une faiblesse.
L’espérance m’en a été si douce ! c’était peut-être la seule part à laquelle j’avais droit ; et la princesse qui marchait sur des roses, erre, désespérée, dans ses palais en ruine !
1er Février. — Je passe mes journées en courses et en démarches de toute espèce. J’ai voulu me charger seule de tous