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Page:Louant - Pauvre Germaine !, 1888.djvu/7

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âge ; j’eus les joies et les inquiétudes des mères au lendemain du jour où j’abandonnai mes poupées ; mais vienne enfin le bonheur et je lui ferai bon accueil ; il y a, dans le fond de mon âme, des voix mystérieuses et inconnues, un appel vers des joies que j’ignore, que j’espère et que j’attends.

À la ferme, le bon lait, les fruits, le pain frais étaient servis au salon. Il amuse tant Jeanne, ce salon, avec ses arabesques de sable dessinés sur son carrelage rouge ; ses rideaux toujours fraîchement lavés et largement teintés de bleu ; ses images naïves pieusement encadrées ; sa pendule de zinc qu’accompagnent deux gros bouquets de fleurs en papier sous des cylindres de verre ; et, surmontant le tout, son vieux crucifix de cuivre soigneusement récuré.

Moi, je l’aimais avec mélancolie, ce salon familier à mon enfance. J’y cherchais l’empreinte des pas de ma mère sur le sable qui couvrait le sol ; je soulevais, comme elle le faisait, un coin du rideau, pour voir au dehors ; je regardais avec un respect attendri ce Christ vers lequel je l’avais si souvent vue lever ses doux yeux.

Comme nous cheminions côte à côte, au retour, Jacques me dit en me montrant Jeanne qui marchait devant nous :

— Ce rire perpétuel m’impatiente ; Jeanne n’a pas de cœur ; on ne rit pas toujours de tout.

— Tu la méconnais, mon bon Jacques, lui dis-je, sois indulgent pour sa jeunesse, elle n’a connu que la joie, elle n’a vécu jusqu’ici que pour être aimée, que pour se faire gâter ; son père ne s’adoucissait que pour elle, ma mère ne l’a jamais grondée.

— Elle ne réfléchit pas, elle ne saisit des choses que le côté frivole ; des gens, que le côté comique ou ridicule ; ne la gâte plus, toi, ma chère Germaine, ta faiblesse en ferait la plus détestable des créatures.

— Tu es sévère, laisse-la être heureuse à sa guise, le temps vient assez vite où nous avons envie de pleurer de tout.

— Je voudrais la voir occupée de quelque travail, tu n’es jamais oisive, et elle promène partout son oisiveté.

Ce que me dit Jacques m’attriste ; j’aime la gaieté de Jeanne, elle m’est nécessaire, et je ne crois pas qu’elle nuise à la bonté de son cœur ; je n’ai jamais trouvé Jacques aussi sévère ; c’est moi sans doute qui ne suis pas raisonnable.

Cependant, ce soir, j’ai essayé de causer sérieusement avec ma sœur, de la décider à entreprendre une étude sérieuse, un travail, qui remplisse ses longues heures de désœuvrement.

— Ma chère mignonne, lui disais-je, le travail est la loi de la vie, et pour qui s’est habitué à l’aimer, il est plus un plai-