soin à prodiguer à un prisonnier le plus grand bien-être. À peine manifestait-il un désir qu’il était exaucé ; mais ses geôliers, tout déférents qu’ils fussent, avaient ordre de ne point lui dire ce qu’il était advenu de la princesse Séraphine ; or, c’était la chose qui lui importait le plus, et il se désespérait d’ignorer le sort de la dame de son cœur.
Un matin pourtant, on vint lui annoncer que le grand sénéchal l’allait venir voir. C’était la première fois que le captif allait se trouver en présence de son père depuis le jour malheureux où il avait été surpris par le roi en compagnie de la fille du duc de Boulimie. Aussi, se demandait-il quelle attitude l’auteur de ses jours allait tenir à son égard, s’il venait avec à la bouche des reproches sévères ou des paroles d’affection.
Le grand sénéchal montra à son fils le visage le plus souriant du monde :
— Mon cher enfant, lui dit-il, je connais trop les emportements de la jeunesse pour vous réprimander en quoi que ce soit. La princesse Séraphine est assez jolie fille pour que je comprenne la griserie qui vous jeta dans ses bras et vous êtes de ceux qu’une femme, fût-elle princesse, est toujours fière d’avoir pour amant. Notre maison d’ailleurs est presque aussi illustre que la famille régnante ; et je crois bien avoir entendu dire par mon aïeul Guy le Valeureux que sa mère l’avait conçu des œuvres de Népomucène VII, de glorieuse mémoire. Ce n’était donc pas déchoir pour la fille du duc de Boulimie que de se donner à vous.
Mais quelque droit que vous en ayez, il vous faut renoncer à cette princesse.
— Jamais, mon père, jamais !
— Il ne faut pas dire « jamais ». Sachez seulement que de hautes destinées vous attendent, si vous souscrivez aux conditions que vous impose Sa Majesté notre auguste maître, pour vous accorder votre grâce en même temps que votre liberté.
— Ma liberté ! Serait-ce possible !
— J’apporte l’ordre de vous élargir. Des chevaux sont sellés pour nous transporter dans mon domaine de Vidorée où le roi prescrit que vous vous rendiez immédiatement. Là, vous apprendrez quelle conduite il vous faudra tenir…
— Et la princesse ?
— La princesse est au couvent des Puritaines, par ordre du roi. De votre soumission dépend sa vie… et peut-être sa liberté.
Le comte Hector poussa un profond soupir.
— Soit ! dit-il… j’obéirai pour l’amour de ma mie et pour préserver sa précieuse existence et la faire sortir un jour de cet affreux couvent.