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Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/38

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lorsque je me trouvais seule auprès de ma mère que je pouvais avouer mon véritable sexe.

On avait aménagé spécialement cette partie du palais. C’est ici que je me délassais des heures de la journée où je devais jouer le rôle du roi. Ici, Benoni XIV devenait la princesse Églantine, et je pouvais, retirant mes habits d’homme, me parer comme une femme, revêtir des robes, dénouer mes cheveux emprisonnés sous une perruque, me coiffer, être enfin coquette comme les autres jeunes filles.

Depuis l’âge de quinze ans surtout, cette situation m’était intolérable.

Et puis vint un jour où l’amour s’éveilla en moi. J’en avais le droit comme toutes les autres, n’est-ce pas ?… Malheureusement, nul prince, nul gentilhomme ne pouvait s’éprendre de ma personne.

Vous représentez-vous quel fut mon supplice ? Alors que tous se demandaient quelle princesse j’épouserais, j’appelais moi, un chevalier à qui donner mon cœur !…

Ce chevalier, je le remarquai enfin un jour, je l’aimais. Et j’étais décidé à me presenter à lui secrètement sous mon véritable aspect. Oui, j’avais conçu le projet de m’évader le soir, de jouer ce double rôle, et de me placer sur son chemin, espérant qu’il distinguerait cette inconnue et s’éprendrait ainsi de moi !…

J’étais résolue à tout abandonner s’il le fallait : couronne, pouvoir, et à crier publiquement la vérité pour être aimée ainsi que les autres femmes.

Or, un soir que j’errais seule, pensive, réfléchissant à ces choses dans les jardins du palais, je fus attirée par des bruits de voix vers le pavillon isolé que vous connaissez, hélas, aussi bien que moi…

J’entrai ! Ah ! Plut au ciel que la curiosité qui me poussa alors ne se fût jamais emparée de moi… Souvent depuis, je l’ai maudite, car peut-être eût-il mieux valu que je ne connusse pas la douloureuse vérité…

La princesse Séraphine m’avait volé le cœur de celui que j’aimais ! »

Et la pauvre petite reine, baissant la tête, les larmes plein les yeux, disait encore :

— Hector !… Hector !… Pardonnez-moi !… Je vous aime !…

Comprenez-vous maintenant mes fureurs, ma colère contre vous et contre elle ?

Comprenez-vous pourquoi j’ai voulu toute cette mise en scène. Roi, je ne pouvais pas vous épouser… C’est alors que je me suis dit ; « Qu’il disparaisse pour tous, il ne restera homme que pour moi !… Ainsi il sera bien à moi seule ! Et je pourrai devenir sa femme, sans renoncer à ce rôle qu’on m’impose ! »