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Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/55

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Il n’y eut que la princesse Sigeberte qui tint rigueur à sa fille et lui fit mauvais accueil. La duchesse de Boulimie ne voulait décidément pas pardonner à Séraphine d’avoir laissé échapper la couronne royale.

Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des royaumes et rien ne paraissait devoir troubler la félicité des personnages qui avaient été les héros de tant d’aventures.

Seule, à présent, la reine-mère Radegonde gardait des inquiétudes qu’elle n’arrivait pas à apaiser sur les conséquences du mariage incestueux d’Hector et d’Églantine, et elle ne manquait pas d’en entretenir, chaque fois qu’elle se retrouvait avec lui, le grand sénéchal.

— Je tremble malgré moi, lui disait-elle un jour, en pensant qu’Églantine va devenir mère et je ne serai tranquille que le jour où elle aura accouché.

— Tu es folle ! Quand je te répéterai cent fois, mille fois, qu’il ne peut rien arriver d’anormal, et que c’est superstition de croire que l’enfant qui naîtra ne sera ni beau ni bien fait !…

— Oui, je sais. Tu vas encore me parler de la reine Cléopâtre… Mais vois-tu, j’ai peur quand même que le prince ou la princesse qui naîtra ne soit infirme. Pourvu aussi que rien ne soit découvert et que l’on ne trouve pas étrange l’absence du roi pendant les couches de sa femme !

— Que vas-tu chercher là ?… Hector joue son rôle à merveille et le jouera jusqu’à la fin. Qui veux-tu qui se doute que le roi Benoni XIV est en réalité une femme, et que la reine Yolande est un homme, un homme qui n’est autre que mon fils Hector, que tous croient mort depuis plusieurs mois.

— Personne, en effet, ne pourrait concevoir pareille chose, pas plus qu’on ne pourrait penser qu’Églantine, qui passe depuis vingt ans pur un prince — pour le roi — n’est autre que notre fille à toi et à moi, et que nous avons marié ensemble le frère et la sœur… Si cela se savait jamais, que deviendrions-nous !…

— Et eux-mêmes, les pauvres enfants, qu’adviendrait-il d’eux ?…

Par des mots affectueux et de tendres caresses, Gontran de Vergenler achevait de rassurer sa maîtresse.

La conversation qu’ils tenaient ainsi avait lieu dans le cabinet particulier du grand sénéchal, où les deux amants étaient certains d’être bien seuls.

Or, le malheur voulut qu’elle ait été entendue. Un hasard malencontreux fit, en effet, que le marquis de Gerbedor, gendre du duc de Boulimie, ayant une communication urgente à faire au grand sénéchal, se trouvât derrière la porte lorsque la reine commença à parler. Les premiers mots échangés retinrent son attention, puis il écouta la suite du dialogue, qui le confondit…