Page:Louis - Le Colonialisme, 1905.djvu/100

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une nation, de verser dans la destruction des races, d’admettre le despotisme et l’asservissement. Les actes odieux tolérés par les gouvernements dans l’Afrique équatoriale, loués même par certains, ressuscitaient des sentiments déjà atténués par une culture plus grande, par les campagnes anti-esclavagistes du milieu du siècle, par la propagande de tous les penseurs. Il apparaissait que sous les déclamations humanitaires, l’homme demeure un loup pour l’homme, et qu’à l’usage de sa force il ne connaît d’autres limites que la résistance de la force d’autrui. Les méfaits et les crimes coloniaux jouèrent, pour notre génération, le même rôle que les combats de gladiateurs ou les massacres de chrétiens dans la Rome impériale. En cette perpétuelle fête du sang, en ce brutal assujettissement de la faiblesse, l’Europe vit surgir de nouveau les passions des vieux âges. Une détérioration continue de l’esprit public a suivi partout la phase de la conquête exotique.

En même temps, le colonialisme balayait sous son souffle délétère et violent les quelques garanties obtenues par les masses. Les Parlements avaient le droit écrit de se prononcer sur la paix et sur la guerre ; eux seuls pouvaient accorder des crédits d’expédition. On passa outre à toutes les constitutions. De même qu’on brutalisait les noirs et les jaunes, on brutalisa la volonté populaire. Comme les foules, malgré tout, n’étaient point sympathiques aux campagnes d’Asie et d’Afrique, dont elles percevaient les mobiles et discernaient les dangers, on se