l’opposition, ils tâchaient de la désarmer par de bonnes paroles, jurant expressément que cette affaire était la dernière, et que l’ère des annexions allait se clôturer ; et l’opposition qui n’est pas toujours composée de méchantes gens, ou d’adversaires de parti pris, croyait parfois sincèrement qu’on ne verserait plus une goutte de sang.
On en a versé pourtant beaucoup, et l’on ne saurait citer une terre, si déshéritée soit-elle, qui n’ait été achetée par la France, ou par ses rivales, au prix du carnage. L’histoire de l’Algérie est une des plus dramatiques qui soient. La Tunisie a été confisquée par un débarquement de troupes ; le Soudan n’a été acquis qu’après de multiples campagnes, des épisodes tragiques, comme celui de la colonne Bonnier à Tombouctou, des massacres réitérés, qu’on s’efforça vainement de dissimuler. La conquête du Tonkin, qui coûta 300 millions de 1881 à 1885, a creusé de larges sillons dans notre armée ; le Dahomey imposa de durs sacrifices à nos soldats. Madagascar nous valut 3,000 morts, c’est à dire qu’un cinquième de l’effectif resta sur le terrain ; certaines unités perdirent jusqu’à 40 % de leur contingent. Ainsi il n’est pas une de nos possessions récentes qui ait connu ce qu’on persiste à appeler la pénétration pacifique, — pas une qui ait été saisie par la persuasion. Partout s’est exercée la violence. Il a fallu, pour dompter les résistances fort naturelles des indigènes, qui ne trouvaient aucune compensation à la perte de leur liberté,