Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/104

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et nous le relevâmes au sud, environ à sept lieues de distance.

Pour déterminer la position de ce cap, nous nous servîmes de l’octant anglais. La manière de déterminer les longitudes à la mer par le moyen des distances de la lune au soleil ou aux étoiles zodiacales, est connue depuis plusieurs années. MM. de la Caille et Daprés en ont fait particulièrement usage en mer, en se servant aussi de l’octant de M. Hadley ; mais comme le degré de justesse qu’on obtient par cette méthode dépend beaucoup de la précision de l’instrument avec lequel on observe, il s’ensuivait que l’héliomètre de M. Bouguer, rendu capable de mesurer de grands angles, serait très propre à perfectionner ces observations de distances. M. l’abbé de la Caille y avait vraisemblablement songé, puisqu’il en a fait construire un qui mesure des arcs de six à sept degrés ; et si dans ses ouvrages il ne parle point de cet instrument comme propre à observer à la mer, c’est qu’il prévoyait beaucoup de difficultés à s’en servir sur un vaisseau.

M. Verron apporta avec lui à bord un instrument nommé mégamètre, qu’il avait déjà employé dans d’autres voyages faits avec M. de Charnières, et dont il s’est servi dans celui-ci. Cet instrument nous a paru ne différer de l’héliomètre de M. Bouguer, qu’en ce que la vis qui fait mouvoir les objectifs étant plus longue, elle leur procure un plus grand écartement, et rend par là cet instrument capable de mesurer des angles de dix degrés, limite du mégamètre que M. Verron avait à bord.

Depuis le 2 après-midi, que nous eûmes la connaissance du cap des Vierges et bientôt après celle de la terre de Feu, le vent de bout et le gros temps nous contrarièrent plusieurs jours de suite. Nous louvoyâmes d’abord jusqu’au 3 à six heures du soir, et alors les vents ayant donné nous permirent de nous porter sur l’entrée du détroit de Magellan. Ce ne fut pas pour longtemps : à sept heures et demie le vent calma tout à fait et les côtes s’embrumèrent ; il rafraîchit à dix heures et nous passâmes la nuit à louvoyer. Le 4, à trois heures du matin, nous courûmes vers la terre avec un bon frais de nord ; mais, le temps chargé de brume et de pluie nous en déro-