Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/108

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heures du soir qu’étant sur vingt brasses fond de sable vaseux et de graviers noirs et blancs, nous mouillâmes environ à deux lieues de terre. Le cap d’Orange nous restait au sud, le cap Entrana au sud-ouest, le plus haut mondrain du fond de la baie de Possession au nord-ouest trois degrés ouest, la pointe la plus orientale de la baie de Possession à l’est-nord-est.

La baie de Possession est ouverte à tous les vents et n’offre que de très mauvais mouillages. Dans le fond de cette baie s’élèvent cinq mondrains, dont un est assez considérable ; les quatre autres sont petits et aigus. Nous les avons nommés le père et les quatre fils Aymon ; ils servent de remarque essentielle dans cette partie du détroit. Pendant la nuit, on sonda aux divers changements de marée, sans trouver de différence sensible dans le brasseiage. À huit heures et demie du soir la marée reversa dans l’ouest, et dans l’est à trois heures du matin.

Le 8 au matin, nous appareillâmes sous les quatre voiles majeures, ayant deux ris dans chaque hunier ; la marée nous était contraire, mais nous la refoulions avec un bon frais de nord-ouest. À huit heures, les vents nous refusèrent et il fallut louvoyer, essuyant de temps à autre de violentes rafales. À dix heures, la marée ayant commencé à porter à l’ouest avec assez de force, nous mîmes en panne sous les huniers à l’entrée du premier goulet, nous laissant dériver au courant qui nous emportait dans le vent avec une vitesse d’environ une lieue et demie par heure, et virant de bord lorsque nous nous trouvions trop près de l’une ou de l’autre côte. Nous passâmes ainsi en deux heures le premier goulet, malgré le vent qui était directement debout et très violent.

Ce matin les Patagons, qui toute la nuit avaient entretenu des feux au fond de la baie de Possession, élevèrent un pavillon blanc sur une hauteur, et nous y répondîmes en hissant celui des vaisseaux. Ces Patagons étaient sans doute ceux que l’Étoile vit en juin 1766 dans la baie Boucault, comme nous l’avons rapporté plus haut, et le pavillon qu’ils élevaient était celui qui leur fut donné par M. Denys de Saint-Simon en signe d’alliance. Le soin qu’ils ont pris de le conserver