Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/115

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de chemin que nous avions fait nous avait écartés de la côte, et dans ces deux jours il n’y eut pas un instant où on eût pu mettre un bateau dehors. Les Patagons en étaient sans doute aussi fâchés que nous. On voyait la troupe rassemblée à l’endroit où nous avions débarqué, et nous crûmes distinguer, avec les longues vues, qu’ils y avaient élevé quelques huttes. Cependant, je crois que le quartier général était plus éloigné, car il allait et venait continuellement des gens à cheval. Nous regrettâmes fort de ne pouvoir pas leur porter ce que nous leur avions promis ; on les contentait à bien peu de frais.

Les variations de la marée ne nous donnèrent ici qu’une brasse d’eau de différence. Le 10, par une observation de distance de la lune à Régulus, M. Verron déduisit notre longitude occidentale à ce mouillage de soixante-treize degrés vingt-six minutes quinze secondes, et celle de l’entrée orientale du second goulet de soixante-treize degrés trente-quatre minutes trente secondes. Le thermomètre de Réaumur baissa de neuf à huit et à sept degrés.

Le 11, à minuit et demi, le vent ayant passé au nord-est, et le courant portant à l’ouest depuis une heure, je signalai l’appareillage. Nous fîmes de vains efforts pour lever notre ancre, ayant même établi sur le câble nos poulies de franc funin. À deux heures du matin, le câble rompit entre la bitte et l’écubier, et nous perdîmes ainsi notre ancre. Nous appareillâmes sous toutes voiles et ne tardâmes pas à ressentir la marée ennemie, contre laquelle un faible vent de nord-ouest suffisait à peine pour nous soutenir, quoique le courant ne soit pas à beaucoup près aussi fort dans le second goulet que dans le premier. À midi, le jusant vint à notre secours et nous passâmes le second goulet, les vents ayant varié jusqu’à trois heures après-midi qu’ils soufflèrent grand frais du sud-sud-ouest au sud-sud-est avec de la pluie et des grains violents. En deux bords, nous parvînmes au mouillage dans le nord de l’île Sainte-Élisabeth, où nous ancrâmes à deux milles de terre par sept brasses, fond de sable gris, gravier et coquillages pourris. L’Étoile, qui mouilla un quart de lieue plus dans le sud-est de nous, y avait dix-sept brasses d’eau.

Le vent contraire, accompagné de grains violents, de pluie et de