Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/124

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dix-huit canons. L’Étoile eut même le bonheur d’étancher sa voie d’eau, laquelle depuis le départ de Montevideo était tout aussi considérable qu’avant sa demi-carène à la Encenada. En élevant tout à fait son avant et levant quelques planches de son doublage, on trouva que l’eau entrait par l’écart de son étrave, qui est de deux pièces. On y remédia, et ce fut pour toute la campagne un grand soulagement à l’équipage de cette flûte, qu’écrasait l’exercice journalier de la pompe.

M. Verron avait dès les premiers jours établi ses instruments sur l’îlot de l’Observatoire ; mais il y passa vainement la plus grande partie de ses nuits. Le ciel de cette contrée, ingrat pour l’astronomie, lui a refusé toute observation de longitude ; il n’a pu que déterminer, par trois observations faites au quart de cercle, la latitude australe de l’îlot, de cinquante-trois degrés cinquante minutes vingt-cinq secondes. Il y a aussi déterminé l’établissement de l’entrée de la baie de zéro heure cinquante-neuf minutes ; l’élévation des eaux dans les plus grandes marées n’a jamais excédé dix pieds. Pendant notre séjour ici, le thermomètre a communément été entre huit et neuf degrés ; il a baissé jusqu’à cinq degrés, et le plus haut qu’il ait monté a été à douze degrés et demi. Le soleil alors paraissait sans nuages, et ses rayons, peu connus ici, faisaient fondre une partie de la neige sur les montagnes du continent. M. de Commerçon, accompagné de M. le prince de Nassau, profitait de ces journées pour herboriser. Il fallait vaincre des obstacles de tous les genres, mais ce terrain âpre avait à ses yeux le mérite de la nouveauté, et le détroit de Magellan a enrichi ses cahiers d’un grand nombre de plantes inconnues et intéressantes. La chasse et la pêche n’étaient pas aussi heureuses ; jamais elles n’ont rien produit, et le seul quadrupède que nous ayons vu ici a été un renard presque semblable à ceux d’Europe, qui fut tué au milieu des travailleurs.

Nous fîmes aussi plusieurs voyages pour reconnaître les côtes voisines du continent et de la terre de Feu ; la première tentative fut infructueuse. J’étais parti le 22 à trois heures du matin avec MM. de Bournand et du Bouchage, dans l’intention d’aller jusqu’au