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DEUXIÈME PARTIE
contenant la suite du voyage depuis l’entrée dans la mer occidentale jusqu’au retour en France.
Et nos jam tertia portat
Omnibus errantes terris et fluctibus æstas.
Virg. Liv. I.

CHAPITRE PREMIER.

Direction de la route en sortant du détroit. — Rencontre des premières îles. — Observation sur une de ces îles. — Archipel dangereux. — Archipel de Bourbon. — Vue de Taïti. — Trafic avec les insulaires. — Mouillage à Taïti.


Depuis notre entrée dans la mer occidentale, après quelques jours de vents variables du sud-ouest au nord-ouest par l’ouest, nous eûmes promptement les vents de sud et de sud-sud-est. Je ne m’étais pas attendu à les trouver si tôt ; les vents d’ouest conduisent ordinairement jusque par les trente degrés, et j’avais résolu d’aller à l’île Juan Fernandès, pour tâcher d’y faire de bonnes observations astronomiques. Je voulais ainsi établir un point de départ assuré pour traverser cet Océan immense, dont l’étendue est marquée différemment par les différents navigateurs. La rencontre accélérée des vents de sud et de sud-est me fit renoncer à cette relâche, laquelle eût allongé mon chemin.

Lorsque nous fûmes dans la mer Pacifique, je convins avec le commandant de l’Étoile, qu’afin de découvrir un plus grand espace de mers, il s’éloignerait de moi dans le sud tous les matins à la distance que le temps permettrait sans nous perdre de vue, que le soir nous nous rallierions, et qu’alors il se tiendrait dans nos eaux environ à une demi-lieue. Par ce moyen, si la Boudeuse eût rencontré