Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/160

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Le 7 au matin, le chef, dont le nom est Éretivint à bord. Il nous apporta un cochon, des poules, et le pistolet qui avait été pris la veille chez lui. Cet acte de justice nous en donna bonne idée. Cependant nous prîmes dans la matinée toutes nos dispositions pour descendre à terre nos malades et nos pièces à l’eau, et les y laisser en établissant une garde pour leur sûreté. Je descendis l’après-midi avec armes et bagages, et nous commençâmes à dresser le camp sur les bords d’une petite rivière, où nous devions faire notre eau. Éreti vit la troupe sous les armes et les préparatifs du campement sans paraître d’abord surpris ni mécontent. Toutefois, quelques heures après, il vint à moi accompagné de son père et des principaux du canton qui lui avaient fait des représentations à cet égard, et me fit entendre que notre séjour à terre leur déplaisait, que nous étions les maîtres d’y venir le jour tant que nous voudrions, mais qu’il fallait coucher la nuit à bord de nos vaisseaux. J’insistai sur l’établissement du camp, lui faisant comprendre qu’il nous était nécessaire pour faire de l’eau, du bois, et rendre plus faciles les échanges entre les deux nations. Ils tinrent alors un second conseil, à l’issue duquel Éreti vint me demander si nous resterions ici toujours ou si nous comptions repartir, et dans quel temps. Je lui répondis que nous mettrions à la voile dans dix-huit jours, en signe duquel nombre je lui donnai dix-huit petites pierres : sur cela nouvelle conférence à laquelle on me fit appeler. Un homme grave, et qui paraissait avoir du poids dans le conseil, voulait réduire à neuf les jours de notre campement ; j’insistai pour le nombre que j’avais demandé, et enfin ils y consentirent.

De ce moment la joie se rétablit ; Éreti même nous offrit un hangar immense tout près de la rivière, sous lequel étaient quelques pirogues qu’il en fit enlever sur-le-champ. Nous dressâmes dans ce hangar les tentes pour nos scorbutiques, au nombre de trente-quatre, douze de la Boudeuse et vingt-deux de l’Étoile, et quelques autres nécessaires au service. La garde fut composée de trente soldats, et je fis aussi descendre des fusils pour armer les travailleurs et les malades. Je restai à terre la première nuit qu’É-