Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/213

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conviction que ces brisants s’étendaient beaucoup plus loin que nous n’avions pensé ; on en découvrait jusque dans l’est-nord-est, sans que ce fût encore leur fin. Il fallut reprendre pour la nuit la bordée du sud-sud-ouest, et au jour, celle de l’est. Pendant toute la matinée du 18, nous ne vîmes point de terres, et déjà nous nous livrions à l’espoir d’avoir doublé îlots et brisants. Notre joie fut courte. À une heure après-midi une île se fit voir dans le nord-est-quart-nord du compas, et bientôt elle fut suivie de neuf ou dix autres. Il y en avait jusque dans l’est-nord-est, et, derrière ces îles, une terre plus élevée s’étendait dans le nord-est, environ à dix lieues de distance. Nous louvoyâmes toute la nuit ; le jour suivant nous donna le même spectacle d’une double chaîne de terres courant à peu près est et ouest, savoir, au sud, une suite d’îlots joints par des récifs à fleur d’eau, dans le nord desquels s’étendaient des terres plus élevées. Les terres que nous découvrîmes le 20 nous parurent prendre moins du sud, et ne plus courir que sur l’est-sud-est ; c’était un amendement à notre position. Je pris le parti de courir des bords de vingt-quatre heures ; nous perdions trop à virer plus souvent, la mer étant extrêmement grosse, le vent violent et constamment le même ; d’ailleurs nous étions contraints à faire peu de voiles, pour ménager une mâture caduque et des manœuvres endommagées, et nos navires marchaient très mal, n’étant plus en assiette et n’ayant pas été carénés depuis si longtemps.

Nous vîmes la terre le 25 au lever du soleil, depuis le nord jusqu’au nord-nord-est ; mais ce n’était plus une terre basse ; on apercevait au contraire une terre extrêmement haute et qui paraissait se terminer par un gros cap. Il était vraisemblable qu’ensuite sa direction était au nord. Nous gouvernâmes tout le jour au nord-est-quart-est et à l’est-nord-est, sans voir de terres plus est que le cap que nous doublions avec une satisfaction que je ne saurais dépeindre. Le 26 au matin, le cap étant beaucoup sous le vent à nous, et ne voyant plus de terres au vent, il fut enfin permis de mettre la route au nord-nord-est. Nous appelâmes ce cap, après lequel nous avions si longtemps aspiré, le cap de la Délivrance, et le golfe dont il fait