Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/222

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mais visible, et qui ne s’étend pas au large. On voit aussi au nord de la baie deux petites bâtures qui découvrent à basse mer. À l’accore des récifs, il y a douze brasses d’eau. L’entrée de ce port est très aisée ; la seule attention qu’on doive avoir, c’est de ranger la pointe de l’est de près et avec beaucoup de voiles, parce que dès qu’elle est doublée on se trouve en calme, et qu’alors il faut entrer sur l’erre du vaisseau. Notre mouillage était par les marques suivantes : l’îlot de l’entrée restait à l’ouest-quart-sud-ouest un degré trente minutes ouest ; la pointe est de l’entrée, à ouest-quart-sud-ouest un degré sud ; la pointe ouest, à l’ouest-quart-nord-ouest ; le fond du port, au sud-est-quart-ouest. Nous affourchâmes est et ouest. Nous passâmes le reste de la journée à nous amarrer, à amener vergues et mâts de hune, à mettre les chaloupes dehors et à visiter tout le tour du port.

Il plut toute la nuit suivante et presque toute la journée du 7. Nous envoyâmes à terre nos pièces à l’eau ; nous y dressâmes quelques tentes, et on commença à faire l’eau, le bois et les lessives, toutes choses de première nécessité. Le débarquement était magnifique, sur un sable fin, sans aucune roche ni vague ; l’intérieur du port, dans un espace de quatre cents pas, contenait quatre ruisseaux. Nous en prîmes trois pour notre usage, un destiné à faire l’eau de la Boudeuse, un second pour celle de l’Étoile, le troisième pour laver. Le bois se trouvait au bord de la mer, et il y en avait de plusieurs espèces, toutes très bonnes pour brûler, quelques-unes superbes pour les ouvrages de charpente, de menuiserie, et même de tabletterie. Les deux vaisseaux étaient à portée de la voix l’un de l’autre et de la rive. D’ailleurs le port et ses environs fort au loin étaient inhabités, ce qui nous procurait une paix et une liberté précieuses. Ainsi nous ne pouvions désirer un ancrage plus sûr, un lieu plus commode pour faire l’eau, le bois, et les diverses réparations dont les navires avaient le plus urgent besoin, et pour laisser errer à leur fantaisie nos scorbutiques dans les bois.

Tels étaient les avantages de cette relâche ; elle avait aussi ses inconvénients. Malgré les recherches que l’on en fit, on n’y découvrit ni cocos ni bananes, ni aucune des ressources qu’on aurait pu, de