Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/224

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les Anglais avaient relâché. Puis il nous en coûta peu de recherches pour retrouver le lieu où avait été placée l’inscription. C’était à un très gros arbre, fort apparent, sur la rive droite de la rivière, au milieu d’un grand espace où nous jugeâmes que les Anglais avaient dressé des tentes, car on voyait encore aux arbres plusieurs amarrages de bitord. Les clous étaient à l’arbre, et la plaque n’avait été arrachée que depuis peu de jours, car sa trace était fraîche. Dans l’arbre même il y avait des gradins pratiqués par les Anglais ou par les insulaires. Des rejetons qui s’élevaient sur la coupe d’un des arbres abattus, nous fournirent un moyen de conclure qu’il n’y avait pas plus de quatre mois que les Anglais avaient mouillé dans cette baie. Le bitord trouvé l’indiquait suffisamment ; car, quoique dans un lieu fort humide, il n’était point pourri. Je ne doute pas que le vaisseau venu ici de relâche ne soit le Swallow, bâtiment de quatorze canons, commandé par M. Carteret et sorti d’Europe au mois d’août 1766 avec le Delfin, que commandait M. Walas. Nous avons eu depuis des nouvelles de ce bâtiment à Batavia, où nous en parlerons, et d’où on verra que nous avons suivi sa trace jusqu’en Europe. C’est un hasard bien singulier que celui qui, au milieu de tant de terres, nous ramène à un point où une nation rivale venait de laisser un monument d’une entreprise semblable à la nôtre.

La pluie fut presque continuelle jusqu’au 11. Il y avait apparence de grand vent dehors, mais le port est abrité de tous côtés par les hautes montagnes qui l’environnent. Nous accélérâmes nos travaux autant que le mauvais temps le permettait. Je fis aussi paumoyer nos câbles et relever une ancre, pour mieux connaître la qualité du fond ; on n’en pouvait souhaiter un meilleur. Un de nos premiers soins avait été de chercher, assurément avec intérêt, si le pays pourrait fournir quelques rafraîchissements aux malades et quelque nourriture solide pour les sains. Nos recherches furent infructueuses. La pêche était absolument ingrate, et nous ne trouvâmes dans les bois que quelques lataniers et des choux palmistes en très petit nombre ; encore les fallait-il disputer à des fourmis énormes,