Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/245

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qui paraissaient venir de l’ouest. Cependant la différence de notre estime à l’observation méridienne et aux relèvements nous donna dix à onze milles sur le sud-ouest-quart-sud et sud-sud-ouest. À neuf heures du matin, j’ordonnai à l’Étoile de monter ses canons et d’envoyer son canot aux îles du sud-ouest, pour reconnaître s’il y avait quelque mouillage et si ces îles fournissaient quelques productions intéressantes.

Il fit presque calme dans l’après-midi, et le canot ne revint qu’à neuf heures du soir. Il avait abordé à deux de ces îles, où on n’avait trouvé aucune trace d’habitation ni de culture, ni aucune espèce de fruit. Les gens du canot étaient prêts à se retirer, lorsqu’ils virent avec surprise un nègre s’approcher seul dans une pirogue à deux balanciers. Il avait à une oreille un anneau d’or, et pour armes deux zagaies. Il aborda le canot sans crainte ni surprise. On lui demanda à boire et à manger, et il offrit de l’eau et quelque peu d’une espèce de farine qui paraissait faire sa nourriture. On lui donna un mouchoir, un miroir et quelques bagatelles pareilles. Il riait en recevant ces présents et ne les admirait pas. Il semblait connaître les Européens, et on pensa que ce pouvait être un nègre fugitif de quelqu’une des îles voisines où les Hollandais ont des postes, ou que peut-être y avait-il été envoyé pour la pêche. Les Hollandais nomment ces îles les cinq Îles, et de temps en temps ils les font visiter. Ils nous ont dit qu’autrefois elles étaient au nombre de sept, mais que deux ont été abîmées dans un tremblement de terre, révolution assez fréquente dans ces parages. Il y a entre ces îles un prodigieux courant sans aucun mouillage. Les arbres et les plantes y sont à peu près les mêmes qu’à la nouvelle Bretagne. Nos gens y prirent une tortue du poids environ de deux cents livres.

Depuis ce temps, nous continuâmes à éprouver de fortes marées qui portaient sur le sud, et nous tînmes la route qui en approchait le plus. Nous sondâmes plusieurs fois sans trouver de fond, et nous n’eûmes connaissance que d’une seule île dans l’ouest et à dix ou douze lieues de nous, jusqu’au 30 après-midi que nous aperçûmes dans le sud, et à un grand éloignement, une terre considérable. Le courant, qui nous servait mieux que le vent, nous en approcha dans la nuit ; et le 31 au point du jour, nous nous en trouvâmes à sept ou huit lieues. C’était l’île Ceram. Sa côte, en partie boisée, défrichée