Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/259

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environ à neuf lieues. L’après-midi, nous courûmes jusqu’à deux lieues de Wawoni ; ensuite nous revirâmes au large et nous louvoyâmes toute la nuit pour nous mettre au vent de l’entrée du détroit de Button, et être à même d’y donner à la pointe du jour. En effet, elle nous restait le 12, à six heures du matin, entre le nord-ouest-quart-ouest et l’ouest-nord-ouest, et je fis porter sur la pointe septentrionale de Button. En même temps je fis mettre les canots dehors, et je les gardai à la remorque. À neuf heures, nous embouquâmes le détroit avec une jolie brise, qui dura jusqu’à dix heures et demie et reprit un peu avant midi.

Il convient, en entrant dans ce détroit, de ranger la terre de Button, dont la pointe septentrionale est d’une moyenne hauteur et hachée en plusieurs mondrains. Le cap, qui fait l’entrée de bâbord, est taillé en falaise. Il a en avant de lui quelques pierres blanches assez élevées au-dessus de l’eau, et dans l’est, une jolie baie dans laquelle nous vîmes une petite embarcation à la voile. La pointe correspondante de Wawoni est basse, assez unie, et elle se prolonge dans l’ouest. La terre de Célèbes se présente alors devant nous ; on voit un passage ouvert dans le nord entre cette grande île et Wawoni, passage faux ; celui du sud, qui est le vrai, paraît presque fermé ; on y aperçoit dans l’éloignement une terre basse hachée en espèces d’îlots. À mesure qu’on entre, on découvre sur la côte de Button de gros caps ronds et de jolies anses. Au large d’un de ces caps sont deux roches, qu’il est impossible de ne pas prendre de loin pour deux navires à la voile, l’un assez grand, l’autre plus petit. Environ à une lieue dans l’est d’elles, et à un quart de lieue de la côte, la sonde nous donna quarante-cinq brasses fond de sable et de vase. Le détroit depuis l’entrée gît successivement du sud-ouest au sud.

À midi, nous observâmes quatre degrés vingt-neuf minutes de latitude australe ; nous avions alors un peu dépassé les deux roches. Elles sont au large d’un îlot, derrière lequel il paraît un joli enfoncement. Nous y vîmes une embarcation faite en forme de coffre carré, avec une pirogue à la remorque. Elle cheminait à la voile et à la rame en côtoyant la terre. Un matelot français repris à Boëro, qui depuis quatre ans naviguait avec les Hollandais dans les Moluques, nous dit que c’était un bateau d’Indiens forbans qui cherchent à faire des prisonniers pour les vendre. Notre rencontre parut les