Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/269

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secondes de latitude australe, et cette observation, jointe à celle que nous avions faite à l’entrée du détroit, nous servit à en déterminer la longueur avec précision. À trois heures, nous aperçûmes l’extrémité méridionale de Pangasini. Nous voyions dès le matin les hautes montagnes de l’île Cambona, sur laquelle est un pic dont la tête s’élève au-dessus des nuages. Vers quatre heures et demie, nous découvrîmes une portion des terres de Célèbes. Nous embarquâmes nos bateaux au soleil couchant, et nous mîmes toutes voiles dehors, gouvernant à ouest-sud-ouest, jusqu’à dix heures du soir que nous mîmes le cap à ouest-quart-sud-ouest, et nous courûmes à cette route toute la nuit, bonnettes gréées haut et bas.

Mon intention était d’aller ainsi prendre connaissance de l’île Saleyer, à trois ou quatre lieues dans le sud de sa pointe septentrionale, c’est-à-dire par cinq degrés cinquante-cinq minutes à six degrés de latitude, afin de chercher ensuite le détroit de ce nom, qui est entre cette île et celle de Célèbes, le long de laquelle on court sans la voir, attendu que sa côte, presque depuis Pangasini, forme un golfe d’une immense profondeur. Au reste, il faut de même revenir chercher le détroit de Saleyer lorsqu’on passe par le Toukanbessie ; et on conclura sans doute de ce qui a été détaillé ci-dessus, que la route par la rue de Button est à tous égards préférable. C’est une des navigations les plus sûres et les plus agréables que l’on puisse faire. Elle réunit à la bonté des mouillages et à l’agrément de faire le chemin à son aise, tous les avantages de la meilleure relâche. L’abondance était aussi grande maintenant sur nos vaisseaux que l’avait été la disette. Le scorbut disparaissait à vue d’œil. Il s’y déclarait à la vérité un grand nombre de cours de ventre occasionnés par le changement de nourriture : cette incommodité, dangereuse dans les pays chauds, où il est ordinaire qu’elle se convertit en flux de sang, devient encore plus communément une maladie grave dans le parage des Moluques. À terre comme à la mer, il est mortel d’y dormir à l’air, surtout lorsque le temps est serein.

Le 18 au matin, nous ne vîmes point la terre, et je crois que pendant la nuit les courants nous firent perdre environ trois lieues ; nous continuâmes la route du ouest-quart-sud-ouest. À neuf heures et demie, nous eûmes bonne connaissance des hautes terres de