Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/272

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passer environ à une lieue et demie de l’île Tanakeka, et je le suivis sous les huniers, l’Étoile se tenant dans mes eaux. Nous cheminâmes sur huit, neuf, dix, onze et douze brasses d’eau, gouvernant du ouest-nord-ouest au ouest-quart-nord-ouest, puis à ouest quand nous vînmes à treize, quatorze, quinze et seize brasses, et que l’île la plus septentrionale nous resta au nord-nord-est. Je rappelai pour lors le bateau de l’Étoile et fis route au sud-ouest-quart-sud, sondant d’horloge en horloge[1], et trouvant toujours de quinze à seize brasses fond de gros sable gris et gravier. À dix heures du soir, le fond augmenta ; on eut à dix heures et demie soixante-dix brasses, sable et corail, puis on n’en trouva plus en filant cent-vingt brasses. À minuit, je fis signal à l’Étoile d’embarquer son bateau et de forcer de voiles, et je gouvernai au sud-ouest, pour passer à mi-canal entre la lunette et le banc nommé Sarras, sondant toutes les heures sans trouver de fond. Au reste, lorsque le vent n’est pas favorable et frais pour entreprendre de doubler la lunette, il convient de mouiller à la côte de Célèbes, dans quelqu’une des baies, et d’y attendre un temps fait ; sans cela on court risque d’être entraîné par les courants sur ce dangereux bas-fond, sans pouvoir s’en défendre.

Au jour on ne vit point de terre ; à dix heures, je fis courir à ouest-sud-ouest, et à midi nous observâmes six degrés dix minutes de latitude. Estimant alors avoir doublé le banc de Sarras, certain au moins par l’observation d’en être au sud, je dirigeai notre course à ouest, et après avoir fait cinq à six lieues à cette route, je fis gouverner à ouest-quart-nord-ouest, sondant d’heure en heure sans trouver de fond. Nous nous entretînmes ainsi en canal, entre le Sestenbanc et la Poule au nord, le Pater-noster et le Tangayang au sud, portant toutes voiles dehors jour et nuit, afin de gagner sur l’Étoile le temps de sonder. On m’avait dit qu’ici les courants portaient sur les îles et banc de Tangayang. Par l’observation de la hauteur méridienne, qui fut de cinq degrés quarante-quatre minutes, nous eûmes au contraire au moins neuf minutes de différence nord. Le meilleur conseil à donner, c’est de s’entretenir ici à n’avoir pas fond. On sera sûr alors d’être en canal ; si on approchait trop des îles du sud, on commencerait à ne plus trouver que trente brasses d’eau.

Nous courûmes toute la journée du 21 pour reconnaître les îles

  1. Chaque horloge à bord est d’une demi-heure.