Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/276

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du matin, puis à ouest jusqu’à midi. La sonde, qui la veille avait été près de terre de neuf à dix brasses, augmenta dès sept heures du soir à trente, et elle donna dans la nuit trente-deux, trente-quatre et trente-cinq brasses. Au soleil levant, nous ne vîmes point de terre, seulement quelques navires et, suivant l’ordinaire, une infinité de bateaux pêcheurs. Malheureusement il fit calme presque toute la journée du 25 jusqu’à cinq heures du soir. Je dis malheureusement, d’autant plus qu’il nous était intéressant d’avoir connaissance de la côte avant la nuit, afin de diriger la route en conséquence pour passer entre la pointe Indermaye et les îles Rachit, et ensuite au large des roches sous l’eau qui en sont à l’ouest. Depuis midi qu’on avait observé six degrés vingt-six minutes de latitude, nous gouvernions à ouest et ouest-quart-sud-ouest ; mais le soleil se coucha sans qu’on pût découvrir la terre. Quelques-uns crurent, mais sans certitude, apercevoir les Montagnes bleues, qui sont à quarante lieues dans l’est de Batavia. De six heures du soir à minuit, je fis gouverner à ouest et ouest-quart-nord-ouest, sondant d’heure en heure par vingt-cinq, vingt-quatre, vingt-et-une, vingt et dix-neuf brasses. À une heure du matin, nous courûmes à ouest-quart-nord-ouest, depuis deux heures jusqu’à quatre au nord-ouest, puis au nord-ouest-quart-ouest jusqu’à six heures. Mon intention, estimant à une heure du matin être à mi-canal entre les îles Rachit et la terre de Java, était de m’élever dans le nord des roches. La sonde me donna trois fois vingt brasses, puis vingt-deux, puis vingt-trois, et pour lors je me supposai à trois ou quatre lieues dans le nord-nord-ouest des îles Rachit.

J’étais bien loin de compte ; le 26, les rayons du soleil levant nous montrèrent la côte de Java depuis le sud-quart-sud-ouest jusqu’à ouest quelques degrés nord, et à sept heures et demie on vit du haut des mâts les îles Rachit, environ à sept lieues de distance dans le nord-nord-ouest et le nord-ouest-quart-nord. Cette vue me donnait une énorme et dangereuse différence sur la carte de M. d’Après ; mais je suspendis mon jugement jusqu’à ce que la hauteur méridienne prononçât s’il fallait attribuer cette différence aux courants ou bien en accuser la carte. Je fis gouverner à ouest-quart-nord-ouest et ouest-nord-ouest, afin de bien reconnaître la côte, qui est ici extrêmement basse et n’offre aucune montagne dans l’intérieur. Le vent était du sud-sud-est au sud-est et à l’est, joli frais.