Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/288

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via, où il est mort peu de jours après. Son fils et le reste de cette famille infortunée devaient être embarqués sur les premiers vaisseaux, et conduits au cap de Bonne-Espérance, où ils finiront leurs jours sur l’île Roben.

Le reste de l’île de Java est divisé en plusieurs royaumes. L’empereur de Java, dont la résidence est dans la partie méridionale de l’île, a le premier rang, ensuite le sultan de Mataran et le roi de Bantam. Tseribon est gouverné par trois rois vassaux de la Compagnie, dont l’agrément est aussi nécessaire aux autres souverains pour monter sur leur trône précaire. Il y a, chez tous ces rois, une garde européenne qui répond de leur personne. La Compagnie a de plus quatre comptoirs fortifiés chez l’empereur, un chez le sultan, quatre à Bantam et deux à Tseribon. Ces souverains sont obligés de donner à la Compagnie leurs denrées aux taux d’un tarif qu’elle-même a fait. Elle en tire du riz, des sucres, du café, de l’étain, de l’arrak, et leur fournit seule l’opium, dont les javans font une grande consommation et dont la vente produit des profits considérables.

Batavia est l’entrepôt de toutes les productions des Moluques. La récolte des épiceries s’y apporte tout entière ; on charge chaque année sur les vaisseaux ce qui est nécessaire pour la consommation de l’Europe et on brûle le reste. C’est ce commerce seul qui assure la richesse, je dirai même l’existence de la Compagnie des Indes hollandaises ; il la met en état de supporter les frais immenses auxquels elle est obligée, et les déprédations de ses employés aussi fortes que ses dépenses mêmes. C’est aussi sur ce commerce exclusif et sur celui de Ceylan qu’elle dirige ses principaux soins. Je ne dirai rien sur Ceylan, que je ne connais pas ; la Compagnie vient d’y terminer une guerre ruineuse, avec plus de succès qu’elle n’a pu faire celle du golfe Persique, où ses comptoirs ont été détruits. Mais comme nous sommes presque les seuls vaisseaux du roi qui aient pénétré dans les Moluques, on me permettra quelques détails sur l’état actuel de cette importante partie du monde, que son éloignement et le silence des Hollandais dérobent à la connaissance des autres nations.

On ne comprenait autrefois sous le nom de Moluques que les petites îles situées presque sous la ligne, entre quinze minutes de latitude sud et cinquante minutes de latitude nord, le long de la côte occidentale de Gilolo, dont les principales sont Ternate, Tidor,