Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/34

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cents pour venir enlever des bestiaux sur les terres des Espagnols, ou pour attaquer les caravanes des voyageurs. Ils pillent, massacrent et emmènent en esclavage. C’est un mal sans remède : comment dompter une nation errante, dans un pays immense et inculte, où il serait même difficile de la rencontrer ? D’ailleurs ces Indiens sont courageux, aguerris, et le temps n’est plus où un Espagnol faisait fuir mille Américains.

Il s’est formé depuis quelques années dans le nord de la rivière une tribu de brigands qui pourra devenir plus dangereuse aux Espagnols, s’ils ne prennent des mesures promptes pour la détruire. Quelques malfaiteurs échappés à la justice s’étaient retirés dans le nord des Maldonades ; des déserteurs se sont joints à eux : insensiblement leur nombre s’est accrû ; ils ont pris des femmes chez les Indiens, et commencé une race qui ne vit que de pillage. Ils viennent enlever des bestiaux dans les possessions espagnoles, pour les conduire sur les frontières du Brésil, où il les échangent avec les Paulistes[1] contre des armes et des vêtements. Malheur aux voyageurs qui tombent entre leurs mains ! On assure qu’ils sont aujourd’hui plus de six cents. Ils ont abandonné leur première habitation et se sont retirés plus loin de beaucoup dans le nord-ouest.

Le gouverneur général de la province de la Plata réside, comme nous l’avons dit, à Buenos-Ayres. Dans tout ce qui ne regarde pas la mer, il est censé dépendre du vice-roi du Pérou ; mais l’éloignement rend cette dépendance presque nulle, et elle n’existe réellement que pour l’argent qu’il est obligé de tirer des mines du Potosi, argent qui ne viendra plus en pièces cornues, depuis qu’on a établi cette année même dans le Potosi un hôtel des monnaies. Les gouvernements particuliers du Tucuman et du Paraguay, dont les principaux établissements sont Santa-Fé, Corrientes, Salta, Tujus, Corduba, Mendoza et l’Assomption, dépendent, ainsi que les fameuses missions des Jésuites, du gouverneur général de Buenos-Ayres.

  1. Les Paulistes sont une autre race de brigands sortis du Brésil, et qui se sont formés en République vers la fin du seizième siècle. Ils se nomment Paulistes, du lieu appelé San-Pablo, qui est leur principale habitation.