e 28 février 1767, nous appareillâmes de Montevideo
avec les deux frégates espagnoles et une tartane chargée
de bestiaux. Nous convînmes, Dom Ruis et moi,
qu’en rivière il prendrait la tête, et qu’une fois au large
je conduirais la marche. Toutefois, pour obvier au cas de séparation,
j’avais donné à chacune des frégates un pilote pratique des Malouines.
L’après-midi il fallut mouiller, la brume ne permettant de voir ni
la grande terre ni l’île de Flores. Le vent fut contraire le lendemain ;
je comptais néanmoins que nous appareillerions, les courants assez
forts dans cette rivière favorisant les bordées ; mais, voyant le jour
presque écoulé sans que le commandant espagnol fît aucun signal,
j’envoyai un officier pour lui dire que, venant de reconnaître l’île
de Flores dans une éclaircie, je me trouvais mouillé beaucoup trop
près du banc aux Anglais, et que mon avis était d’appareiller le lendemain,
vent contraire ou non. Dom Ruis me fit répondre qu’il était
entre les mains du pilote pratique de la rivière, qui ne voulait lever
l’ancre que d’un vent favorable et fait. L’officier alors le prévint de
ma part que je mettrais à la voile dès la pointe du jour, et que je
l’attendrais en louvoyant, ou mouillé plus au nord, à moins que les
marées ou la force du vent ne me séparassent de lui malgré moi.
La tartane n’avait point mouillé la veille, et nous la perdîmes de vue le soir pour ne plus la revoir. Elle revint à Montevideo trois semaines après, sans avoir rempli sa mission. La nuit fut orageuse, le pamperos souffla avec furie et nous fit chasser : une seconde ancre que nous mouillâmes nous étala. Le jour nous montra les vaisseaux espagnols, mâts de hune et basses vergues amenés, lesquels avaient beaucoup plus chassé que nous. Le vent était encore contraire et violent, la mer très grosse ; ce ne fut qu’à neuf heures que