Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/48

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toutes les précautions que nous pûmes imaginer, plus de dix mille plants d’arbres de différents âges. Il était bien intéressant de tenter des plantations dans nos îles. Ces travaux divers nous occupèrent vingt jours, et je puis dire qu’à l’exception des dimanches consacrés au repos, il n’y eut pas un instant perdu ni une personne oisive. Le temps nous avait favorisés, car, contre l’ordinaire de ces parages, il fut très beau. Le 15 mars au soir, j’appareillai de la baie, je sortis du détroit le 24, et, le 29, je mouillai dans le port des Malouines, où je fus reçu avec de grands transports de joie, ayant ouvert une navigation devenue nécessaire au maintien de la colonie. À mon départ des Malouines, le 27 avril suivant, elle se trouvait composée de quatre-vingts personnes, en y comprenant un état-major payé par le roi.

Vers la fin de l’année 1765, nous renvoyâmes de Saint-Malo l’Aigle aux îles Malouines, et le roi y joignit l’Étoile, une de ses flûtes. Cette dernière, partie de Rochefort, arriva dans la colonie le 15 février 1766, et l’Aigle y entra le 23 du même mois. Ces deux bâtiments, après avoir débarqué les vivres, les effets divers et les nouveaux habitants, mirent à la voile ensemble le 24 avril, pour aller dans le détroit de Magellan chercher du bois pour la colonie. C’était entreprendre ce voyage dans la plus mauvaise saison ; aussi fut-il très pénible. Les commandants des deux vaisseaux n’auraient pu, sans prolonger les risques et les difficultés, gagner la baie dans laquelle j’avais fait ma cargaison l’année précédente. Aussi mouillèrent-ils dans la baie Famine, où ils trouvèrent en abondance de quoi s’assortir des divers échantillons nécessaires à nos besoins. L’Étoile fut chargée la première et rentra aux îles le 15 juin. L’Aigle, restée la dernière et chargée de pièces plus considérables, y fut de retour le 27 du même mois. Cette expédition au détroit fut remarquable par deux événements d’une nature différente, savoir : un combat avec les sauvages qui en habitent la partie boisée, et une alliance contractée avec les Patagons qui en occupent la partie orientale.

Quelque temps après que l’Étoile fut partie de la baie Famine, des sauvages de la même nation que ceux que j’avais vus et aux-