Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terre sans y laisser aucun habitant. Ce ne fut qu’en 1766 que les Anglais envoyèrent une colonie s’établir au port de la Croisade, qu’ils avaient nommé port d’Egmont, et le capitaine Macbride, commandant la frégate le Jason, vint à notre poste au commencement de décembre de la même année. Il prétendit que ces terres appartenaient au roi de la Grande-Bretagne, menaça de forcer la descente si l’on s’obstinait à la lui refuser, fit une visite au commandant et remit à la voile le même jour.

L’établissement commençait alors à prendre une forme. Le commandant et l’ordonnateur logeaient dans des maisons commodes et bâties en pierres ; le reste des habitants occupait des maisons dont les murs étaient faits de gazon. Il y avait trois magasins, tant pour les effets publics que pour ceux des particuliers ; les bois du détroit avaient servi à faire la charpente de ces divers bâtiments, et à construire deux goélettes propres à reconnaître les côtes. L’Aigle retourna en France de ce dernier voyage, avec un chargement d’huile et de peaux de loups marins tannées dans le pays. On avait aussi fait divers essais de culture, sans désespérer du succès, la plus grande partie des graines importées d’Europe s’étant facilement naturalisée ; la multiplication des bestiaux était certaine et le nombre des habitants montait environ à cent cinquante.

Tel était l’état des îles Malouines lorsque nous les remîmes aux Espagnols, dont le droit primitif se trouvait ainsi étayé encore par celui que nous donnait incontestablement la première habitation. Les détails sur les productions de ces îles, et les animaux qu’on y trouve, sont la matière du chapitre suivant, et le fruit des observations qu’un séjour de trois années a fournies à M. de Nerville. J’ai cru qu’il était d’autant plus à propos d’entrer dans ces détails, que M. de Commerçon n’a point été aux îles Malouines, et que l’histoire naturelle en est à certains égards assez importante.