Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/57

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et de pierres, parmi lesquelles on n’en a jamais trouvé de calcaires, épreuve faite avec l’eau forte. Il paraît même que le pays est dépourvu de cette espèce de pierre ; des voyages entrepris jusqu’au sommet des montagnes, à dessein d’en chercher, n’ont fait rencontrer qu’une espèce de quartz et de grès non friable, produisant des étincelles et même une lumière phosphorique, accompagnée d’une odeur sulfureuse. Au reste, il ne manque point de pierres à bâtir ; la plupart des côtes en sont formées. On y distingue des couches horizontales, et d’une épaisseur égale dans l’étendue de chaque lit, d’une pierre très dure et d’un grain fin, ainsi que d’autres couches plus ou moins inclinées qui sont des couches d’ardoises et d’une espèce de pierre contenant des particules de talc. On y voit aussi des pierres qui se divisent par feuillets, sur lesquels on remarquait des empreintes de coquilles fossiles d’une espèce inconnue dans ces mers ; on en faisait des meules pour les outils. La pierre qu’on tira des excavations était jaunâtre, et n’avait pas encore acquis son degré de maturité ; on l’aurait taillée avec un couteau, mais elle durcissait à l’air. On trouve facilement la terre glaise, les sables et les terres propres à fabriquer les poteries et les briques.

La tourbe, qui se rencontre ordinairement au-dessus de la terre glaise, s’étend bien avant dans le terrain. On ne pouvait faire une lieue, de quelque point que l’on partît, sans en apercevoir des couches considérables. Elle se forme tous les jours du débris des racines et des herbes dans les lieux qui retiennent les eaux, lieux qu’annoncent des joncs fort pointus. Cette tourbe prise dans une baie voisine de notre habitation, où elle présente aux vents une surface de plus de douze pieds de hauteur, y acquiert un degré suffisant de dessiccation. C’était celle dont on se servait ; son odeur n’est point malfaisante, son feu n’est pas triste, et ses charbons ont une action supérieure à celle du charbon de terre, puisqu’en soufflant dessus on peut l’enflammer aussi aisément que la braise ; elle suffit pour tous les ouvrages de la forge, à l’exception des soudures des grosses pièces.

Tous les bords de la mer et des îles de l’intérieur sont couverts