Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/82

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très basse et de l’avant. Cette opération ne pouvait se faire à Montevideo, où d’ailleurs on ne trouvait point les bois nécessaires à la réparation de sa mâture.

J’avais envoyé un officier jusqu’aux Maldonades pour visiter des mâts qu’on disait être sur la côte, débris de navires perdus : mais il n’en trouva que deux dont le transport jusqu’à Montevideo eût été de la plus grande difficulté. J’écrivis donc au chevalier du Bouchage d’exposer au marquis de Bucarelli notre situation, et d’obtenir son agrément pour que l’Étoile remontât la rivière et vint à la Encenada de Baragan ; je lui mandais aussi d’y faire passer aussitôt les bois et autres matériaux dont nous avions besoin. Le gouverneur général consentit à ces demandes, et le 7 septembre, n’ayant pu trouver aucun pilote, je m’embarquai sur l’Étoile avec les charpentiers et calfats de la Boudeuse, pour partir le lendemain et suivre moi-même une navigation qu’on nous disait être de la plus grande difficulté. Deux vaisseaux de registre, le Saint-Fernand et le Carmen, munis d’un pilote, appareillaient le même jour de Montevideo pour la Encenada, et j’avais compté les suivre ; mais le Saint-Fernand, à bord duquel était un pilote nommé Philippe, appareilla la nuit du 7 au 8, dans la seule vue de nous dérober sa marche et laissant le Carmen dans le même embarras où il voulait nous mettre.

Nous appareillâmes toutefois le 8 septembre à cinq heures et demie du matin, de même que le Carmen, que nous laissâmes passer devant nous. Je fis route pour doubler un banc de pierre, lequel est à deux lieues de Montevideo nord et sud. Le Carmen prit le parti de mouiller à huit heures pour attendre une goélette qui dirigeât sa route. Je continuai la mienne entre le canot et la chaloupe qui sondaient devant nous. À onze heures, la goélette partie de Montevideo ayant joint le Carmen, ce navire appareilla. On aperçut à quatre heures le Saint-Fernand, lequel, ayant doublé la queue du banc Ortiz[1], était en panne pour attendre son camarade. Nous doublâmes ce banc à cinq heures et demie, sans avoir eu connaissance de la côte du sud.

  1. Banc de corail.