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que le roi du Fou-nan envoya, en 387, à l’empereur Mou-ti, des éléphants domptés en signe de soumission et d’hommage. Mais le céleste empereur se refusa de les recevoir, de peur, dit-il, que ces animaux ne fissent du mal à ses sujets. Ce refus avait peut-être pour but de témoigner le mécontentement du gouvernement chinois contre les agissements passés du Fou-nan ; mécontentement qui ne pouvait guère se manifester autrement, en raison de l’extrême éloignement de ce royaume.

Nous retrouvons encore au commencement du cinquième siècle un roi désigné dans les annales chinoises sous le nom de Pan-pan. Le mot de Pan semble être un titre porté depuis Pan-kouang par les rois du Fou-nan ; c’est la dernière fois qu’il apparaît ici. Pan-pan fut remplacé par un prince nommé Kiao-tchen-jou, de la secte des Po-lo-men ou des Brahmanes, dont l’avènement au trône était annoncé par une prophétie, et auquel le peuple donna spontanément la couronne. Ce prince, disent les historiens des Liang, introduisit au Fou-nan les lois et les mœurs de l’Inde. Sous son règne, de nombreuses ambassades furent envoyées en Chine à l’empereur Ouen-ti des Song, notamment pendant les années 435, 436, 439[1] ; elles coïncident avec les guerres soutenues à ce moment par le royaume de Lin-y contre les gouverneurs chinois du Tong-king[2].

« Vers cette époque, racontent les historiens des Tsi[3], un moine, sectateur de Lao-tse et originaire de l’Inde[4], s’embarqua à Kouang-tcheou, sur un bâtiment que[5]

    vers l’ouest avec une grande rapidité, et semblait remonter vers sa source. La hauteur du fleuve augmentait par jour de 6 à 7 pieds et s’était élevée déjà de 16 ou de 17. Au bout de 7 jours cette eau diminua de volume, et la crue quotidienne ne fut plus que de 1 ou 2 pieds. C’est pour cela que ce lac a pris le nom d’eau de l’éléphant. » Il est impossible de ne pas reconnaître ici le phénomène de l’ascension des eaux dans le bras du grand lac, et de l’augmentation périodique du niveau de celui-ci. Ce récit placerait par suite la ville assiégée dans l’espace compris entre Pnom Penh et l’entrée du lac, et ferait supposer qu’à ce moment le Lin-y possédait le delta du fleuve.

  1. Pien y tien, k. 97, fo 8.
  2. L’expédition que nous avons racontée plus haut contre le Lin-y n’avait pas mis fin aux incursions des habitants de ce dernier royaume dans le Kiao-tchi et le Ji-nan. Les annales annamites mentionnent, en 399, une invasion du Nhat-nam (Ji-nan) Cu’u-chan et Giao (Kiao-tchi) par le roi de Lam-ap, du nom de Phan-hodat. En 413, ce prince fut vaincu et mis à mort par Hue-do, gouverneur annamite du Kiao-tchi. En 431, le successeur de Phan-ho-dat, nommé Phan-dzeuong-mai, attaqua le u’u-chan et eut l’audace d’envoyer l’année suivante une ambassade à l’empereur Ouen-ti pour lui demander la préfecture de Giao. En 436, le gouverneur chinois de Giao, nommé Hoa-chi, reçut l’ordre de punir Phan-dzeuong-mai et entra dans ses états à la tête d’une armée. Phan-dzeuong-mai offrit de restituer le butin fait dans le Nhat-nam, en payant 10,000 livres d’or pur et 100,000 livres d’argent ; mais l’événement ayant prouvé que cette offre n’était pas sincère, Hoa-chi s’empara de la citadelle de Khu-lat, où commandait Phu-long, le principal chef de Lam-ap, après avoir battu une armée de secours commandée par Pham-con-sha-dat. Enfin Phan-dzeuong-mai lui-même fut complètement défait « sur la rive des Éléphants. » Je pense qu’il faut reconnaître ici le Song Gianh, qui sépare aujourd’hui le Tong-king de la Cochinchine proprement dite.

    Le savant traducteur des annales annamites, le P. Legrand de la Liraye, fait remarquer avec raison que tous les noms des rois ou des généraux de Lam-ap ne sont ni annamites, ni chinois. (Consultez Notes historiques, etc., p. 52-53.)

  3. Hay koue thou tchi, k. 8, fo 7.
  4. Les nombreux points de contact du bouddhisme et de la doctrine de Lao-tse ont pu produire une confusion dans l’esprit de l’écrivain chinois. L’origine hindoue du moine rend vraisemblable que nous avons affaire ici à un bouddhiste.
  5. La ville de Canton portait ce nom sous la dynastie des Ou (222-278) et l’a gardé jusqu’aux Soui (580), époque où elle a pris le nom de Pan-tcheou. (Voy. Biot, Dictionnaire, etc., p. 87.)