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tué sur les frontières de la Chine, descendit vers le sud avec une foule considérable et vint s’établir au nord du Grand Lac. Les anciens Cambodgiens établis à Siemreap leur abandonnèrent le terrain et allèrent dans le Cambodge du sud se placer sous l’autorité des Chams. C’est peut-être à partir de ce moment que la population du Cambodge prit le nom de Khmer, et porta les cheveux coupés court. (Comparez avec la légende rapportée p. 100.)

Le fils de Sang Cachac fut le sdach Comlong ou roi lépreux de la légende. On lui attribue, entre autres constructions, celle d’une chaussée qui, traversant le Grand Lac, aurait relié les villes d’Angcor et de Pursat. L’existence de ce travail, réellement gigantesque, ne saurait être mise en doute, car tous les pêcheurs affirment qu’aux basses eaux, dans cette direction, ils touchent souvent des pierres avec leurs avirons, surtout aux approches de l’embouchure des rivières d’Angcor et de Pursat. À la fin de la saison sèche, les pierres sont à 50 centimètres de la surface de l’eau et paraissent former une chaussée de 10 à 12 mètres de large. Au milieu du lac, on ne peut plus constater son existence ; il est probable que l’enfoncement progressif des pierres dans un terrain vaseux et mouvant a été la principale cause de la destruction de ce beau travail.

À ce moment, s’il faut en croire Taranatha[1], le bouddhisme était devenu tellement florissant en Indo-Chine que beaucoup de gens s’y rendaient du Madhjadeca, « pays du milieu » (l’Hindoustan proprement dit), pour y acquérir les connaissances religieuses.

Au temps des années Kai-yuen (713-742), le fils du roi du Tchin-la de terre vint avec vingt-six officiers en ambassade à la cour de Chine. Il ne fut pas reçu par l’empereur, mais seulement par le ministre Ko-i du grade Tou-wei[2].

C’est pendant cette période, vers 721, qu’un bonze chinois de la secte de Fo, nommé Y-hang, fit mesurer dans les principales villes de l’empire des Thang la hauteur de l’étoile polaire. Il résulta de ses calculs que la capitale du Lin-y était située par 17°10’de latitude nord, c’est-à-dire qu’elle se trouvait aux environs de la ville actuelle de Quang-binh[3]. À ce moment, disent les annales annamites, un chef annamite de Hoan-chau (Hoan-tcheou), nommé Mai-thuc-loau, fit alliance avec les gens de Lam-ap (Lin-y) et de Chan-lap (Cambodge), réunit 30,000 hommes et prit le titre d’Empereur Noir ; il fut vaincu par le général chinois Teu-huc. La mémoire de ce chef de bandes vit encore dans le pays[4]. La quatorzième année Ta-li (779) du règne de Sou-tsong, le vice-roi du Tchin-la

  1. Traduction Schiefner (loc. cit.).
  2. Rémusat traduit ce passage : « On honora cet ambassadeur du titre de Ko-i-tou-wei (protecteur vraiment patient). » Je ne donne que sous réserves la traduction de mon lettré.
  3. Gaubil, Histoire abrégée de l’astronomie chinoise, p. 75-76 du tome II des Observations mathématiques, astronomiques, etc., tirées des anciens livres chinois, par le P. Souciet. Paris, 1729.
  4. P. Legrand de la Liraye, op. cit., p. 66. Le Lin-y n’avait pas attendu cette époque pour renouveler ses attaques contre le Kiao-tchi. Après la défaite du roi Chan-dzeuong-mai (voy. ci-dessus note 2, p. 119), ce pays resta plus d’un siècle sans rien entreprendre contre ses voisins ; mais, en 543, il porta de nouveau la guerre dans le Ji-nan et fut repoussé par le roi annamite Ly, qui venait de secouer le joug de la Chine. En 605, les Souy, ayant rétabli leur autorité sur les pays du midi, convoitèrent les immenses richesses du Lin-y, et y envoyèrent une flotte et une armée sous les ordres du général Lu’ou-phuong. Celui-ci vainquit le roi Phan-chi et s’empara de sa capitale où se trouvaient 18 statues en or massif représentant les 18 rois ses prédécesseurs. Mais un grand nombre de soldats chinois, et Lu’ou-phuong lui-même, moururent de maladie à la suite de cette expédition.