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SUR LES DÉCOUVERTES GÉOGRAPHIQUES.

tout le personnel de la factorerie, accompli sur les instigations des Portugais, mit fin aux rapports officiels des Européens avec le Cambodge, et ils furent expulsés peu après du Tong-king et de la Cochinchine.

Peu après Wusthof, le jésuite Jean-Marie Leria pénétra au Laos par le Cambodge et y séjourna plusieurs années (1643-1647). Les renseignements de ce missionnaire, recueillis par Martini dans son Novus Atlas Sinensis et par Marini dans ses Lettres sur les Missions de la province du Japon, sont encore fort erronés au point de vue géographique, et c’est lui qui a accrédité l’opinion, reproduite aujourd’hui sur plusieurs cartes, que le Menam, ou fleuve de Siam, et le Cambodge venaient se réunir dans le Laos et n’y formaient plus qu’un fleuve unique[1]. D’autres tentatives avaient été faites auparavant par les missions catholiques du Tong-king pour reconnaître et évangéliser l’intérieur de la péninsule ; mais elles n’avaient eu d’autre résultat que la mort du père Bonelli, qui succomba, en 1638, dans les montagnes qui séparent le Tong-king du Laos, sans avoir atteint le but de son voyage. Les écrits des missionnaires Boni, Alexandre de Rhodes, Tissanier, sur l’histoire et les mœurs de toute la côte orientale de la presqu’île (Tong-king, Cochinchine, Tsiampa), ceux de Mandelslo, la relation de la Mission des évêques français envoyés à Siam en 1661, méritent aussi d’être cités.

À la fin du dix-septième siècle, le royaume de Siam avait seul conservé des relations suivies avec l’Europe. Inquiet à son tour des progrès et des tendances envahissantes de la Compagnie hollandaise, il envoya, en 1684, à Louis XIV, sur les conseils du Grec Constance Phaulkon, premier ministre du roi de Siam, une ambassade destinée à provoquer, de la part de la Compagnie française des Indes[2], une concurrence politique et commerciale avantageuse pour les deux États. Le chevalier de Chaumont fut envoyé, en 1685, avec une escadre, pour répondre à cette ouverture. On connaît l’issue malheureuse de cette tentative ; mais elle nous valut au moins des récits précieux, celui de Laloubère surtout, qui donna pour la première fois une appréciation générale et élevée, des observations sérieuses et approfondies sur les mœurs, la religion et l’histoire du royaume de Siam. En 1695, l’Anglais Bowyear essaya, mais sans résultat, de rouvrir la Cochinchine au commerce européen, et Fleetwood fut chargé par la Compagnie anglaise des Indes d’une mission analogue auprès de la cour d’Ava. C’est à ce moment que se placent aussi les voyages et les récits de Dampier, Kaempfer et Alexander Hamilton.

Au dix-huitième siècle, les progrès de la puissance anglaise dans les Indes, les travaux des jésuites en Chine, créèrent de nouvelles relations entre l’Europe et l’Indo-Chine. Les pères Bonjour, Fridelli et Régis levèrent la carte du Yun-nan de 1714 à 1718, et recueillirent quelques exactes informations sur les pays limitrophes. En 1753, le capitaine anglais

  1. Marini aggrave encore cette erreur : c’est le fleuve du Pégou qu’il réunit au Cambodge.
  2. L’origine de cette Compagnie remonte à 1642. L’année suivante, les Français fondèrent un premier établissement à Madagascar, puis commencèrent à coloniser en 1654 l’île de Bourbon. En 1672, le lieutenant-général de la Haye essaya de développer la sphère d’action de la Compagnie, en prenant possession de Trincomaly dans l’île de Ceylan, et de Saint-Thomé sur la côte de l’Inde. Mais les Hollandais reprirent immédiatement Trincomaly, et Saint-Thomé dut capituler à son tour en 1674. Les débris de ces deux établissements se portèrent à Pondichéry, qui date de cette époque.