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Sang Kon, chef-lieu de province situé sur la rive droite de la rivière, un peu au-dessous de son confluent avec le Se Somphon. M. de Lagrée rencontra là une population nouvelle, les Soué, race en partie sauvage, ayant un dialecte particulier, empreint de cambodgien[1], et qui paraît être venue du sud.

Muong Sang Kon était au moment du passage de M. de Lagrée en partie abandonné par ses habitants par suite des exigences du gouverneur laotien. M. de Lagrée en repartit le 5 février pour continuer sa route vers le nord-est.

Il traversa une région marécageuse et suant le sel, comme les plaines des environs d’Oubôn ; un immense bas-fond, appelé Thoung Nong Mang, qui pendant les pluies doit devenir un véritable lac, s’étend à peu de distance de Sang Kon sur la rive droite du Se Banghien. M. de Lagrée arriva le soir du même jour à Muong Phong, petit chef-lieu de province relevant d’Oubôn, et autour duquel se groupent quelques villages de Khas Deuong. Le Muong lui-même est habité par des Soué et des Pou Thai. Les Khas Deuong ne paraissent pas différer beaucoup des sauvages de la vallée du Se Cong ; mais ils ont cessé de porter les cheveux longs et ils ont adopté depuis quelque temps le toupet à la siamoise et le langouti. Il en est de même des Soué, qui portaient autrefois les cheveux relevés à la mode annamite.

Ces trois races vivent en bon voisinage, mais sans se mêler ; elles semblent, suivant les circonstances où elles se trouvent, passer tantôt de l’état sauvage à l’état relativement civilisé des Laotiens, tantôt suivre la marche inverse. On a souvent grand’peine, sur les lieux mêmes, à deviner la provenance des individus.

De Muong Phong, M. de Lagrée se dirigea vers le nord-est. À peu de distance de ce village, on traverse le Se Socsoi, affluent du Se Somphon. Le lit de cette rivière a 100 mètres de large aux hautes eaux ; au mois de février, ses eaux sont presque stagnantes et n’occupent que le quart environ de cet espace. Leur profondeur n’est que de 0m,60. Le paysage a le même caractère qu’entre Kémarat et Oubôn. Une forêt peu épaisse, aux routes sablonneuses et au sous-sol de grès, recouvre les légères ondulations qui séparent la vallée du Se Somphon de celle du Se Banghien. Des bancs de marne apparaissent çà et là dans les dépressions du terrain. M. de Lagrée coucha, le 6 février, à Ban Nadjo qui dépend de Muong Sang Kon. Il employa la journée du 7 à se rendre à Ban Sakoun, chef-lieu actuel du Muong Lomnou qui, comme Muong Phong, relève d’Oubôn. La contrée traversée est très-populeuse ; Sakoun est habité par des Soué venus, il y a quelque temps, des environs de Sisaket sur les bords du Se Moun. Ce village est à cheval sur les deux rives du Se Somphon qui a plus de 100 mètres de largeur en ce point et qui est guéable : sa profondeur, au lieu du passage, n’est que de 0m,50 ; les berges ont plus de 10 mètres de haut.

M. de Lagrée quitta Sakoun en compagnie des deux premiers dignitaires de la province qui se rendaient à Bankok. Il coucha le 8 février à Keng Cok, gros village situé sur la rive droite du Se Somphon, et ancien chef-lieu de la province.

  1. Voyez les vocabulaires insérés à la fin du IIe volume, et Atlas, 2e  partie, le type no 9 de la planche I.