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du Nam Hou nous portait insensiblement vers le fleuve ; il fallait retourner au campement, dont la lueur éclairait la rive à peu de distance.

Le lendemain, la navigation du fleuve se hérissa de difficultés. Après s’être dirigé au nord-est depuis Luang Prabang, il revient graduellement dans une direction absolument opposée, en se débattant au milieu de roches et de montagnes de plus en plus abruptes. Une fois établi dans cette nouvelle direction, son lit se nettoie sans s’élargir, sa profondeur dépasse en général 25 mètres ; les montagnes s’allongent parallèlement à ses rives, en formant plusieurs plans régulièrement étagés. La végétation, d’un aspect plus uniforme, perdrait complètement son aspect tropical, n’étaient les nombreux bananiers sauvages qui se mélangent aux bombax sur les rives du fleuve, et les quelques palmiers gigantesques qui se dressent çà et là sur les cimes des rochers calcaires. Des pins couronnent les lignes de faîte les plus élevées et viennent nous rappeler les paysages de la patrie absente.

Les villages sont très-clair-semés sur notre route. Quelques-uns sont habités par des Laotiens fugitifs des principautés du nord, entre autres de Muong Kun ou Xieng Tong. Mais les sauvages sont ici plus nombreux que les Laotiens. Ils appartiennent presque tous à la tribu des Khmous. On aperçoit leurs villages échelonnés sur les montagnes des seconds plans, et de légères colonnes de fumée, s’élevant des cimes, ou rampant le long des ravins qui les avoisinent, indiquent le lieu d’une exploitation forestière ou l’incendie qui prépare les semailles de la saison.

Le 27 mai, nous changeâmes de barques et d’équipage à Ban Cokhe ; le lendemain, nous arrivâmes à Ban Tanoun, village situé sur la rive droite du fleuve, à peu de distance duquel on avait signalé des volcans en activité au commandant de Lagrée. Notre géologue, le docteur Joubert, fut détaché de l’expédition pour aller examiner de près la localité. M. de Carné se joignit à lui. Ces messieurs devaient nous rejoindre à Xieng Khong.

Le 29 mai, nous passâmes devant l’embouchure d’une petite rivière, le Se Ngum, peu intéressante en elle-même, mais importante à signaler, parce que, du versant opposé de la chaîne qui lui donne naissance, descend la branche la plus orientale du Menam. Les sources des deux cours d’eau ne sont séparées que par un très-faible espace, et d’après les renseignements des indigènes, il suffirait, à l’époque des hautes eaux, de traîner une barque pendant un ou deux milles, sur un terrain assez uni, pour sortir du bassin du Mékong et recommencer à naviguer dans celui du Menam. Est-ce cette proximité qui a fait croire à la communication indiquée sur nos anciennes cartes ?

Nous nous arrêtâmes vingt-quatre heures au village de Pak Ben, qui était notre second relais entre Luang Prabang et Xieng Khong. Une jolie petite rivière venant du nord, qui, à peu de distance de son embouchure, se transforme en un torrent poissonneux, rejoint le Mékong à l’est du village, qui est habité en grande partie par des sauvages. Les eaux du fleuve avaient déjà monté à Pak Ben de trois mètres environ.

Le 31 mai, nous quittâmes Pak Ben, et le fleuve, dont la direction générale continuait d’être l’ouest quelques degrés sud, s’enfonça entre de hautes falaises rocheuses, couronnées