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au roi de cette ville ; cette lettre expliquait le but de notre mission et insistait sur les autorisations déjà données par les chefs laotiens et birmans de Xieng Tong et sur les lettres de passage, solennellement délivrées par Pékin et signées du prince Kong, dont la Commission était munie. M. de Lagrée demandait qu’il lui fût permis d’aller à Xieng Hong s’expliquer devant le sena de cette ville. Alévy partit à cheval le 21 septembre.

La saison des pluies touchait à sa fin et ne se signalait plus que par quelques orages. Les routes se séchaient ; la circulation devenait facile. La petite vallée du Nam Kam, le long de laquelle s’échelonnent les maisons de Muong Long, est pleine de sites charmants, et ses gorges giboyeuses invitaient les chasseurs à se mettre en campagne. Les collines qui encaissent le cours de la rivière sont d’un facile accès ; du haut de leurs croupes boisées, qui viennent mourir en pentes douces à l’entrée de la vallée du Nam Nga, on découvre de ravissants paysages. Les deux sommets entre lesquels vient déboucher le Nam Kam sont couronnés par deux tâts : l’un, celui qui est au sud de la ville, est bien entretenu et s’élève sur une vaste plate-forme du haut de laquelle on voit toute la vallée. Il s’appelle tât Poulan ; il est de construction récente, n’a qu’une seule flèche et une petite enceinte, ornée de quatre niches et de doc bo pour les offrandes. Le tât du nord, appelé tât Nô[1], est construit comme le précédent en ciment et en briques. Il paraît plus ancien et il est aujourd’hui abandonné. Ce dernier monument est d’un caractère original et de bon goût, et sa valeur serait réelle, s’il était construit en pierres. D’une base ronde de 12 mètres de diamètre sur 2 mètres de hauteur, se dégagent une flèche centrale de 18 mètres d’élévation et huit flèches plus petites, au pied desquelles sont des niches faisant saillie et renfermant des statues. Chaque tourelle est surmontée d’une aiguille en fer et de la couronne birmane ; les moulures sont faites avec soin, l’ornementation est sobre et ne comporte que des feuilles et des fleurs de lotus. L’enceinte extérieure représente des serpents dont les têtes se retournent et font face au monument à l’ouverture des portes.

Jadis Tât Poulan et Tât Nô étaient dorés. En arrière de chacun d’eux est un abri couvert. Le second de ces deux monuments atteste une inspiration entièrement birmane.

Le marché qui se tient tous les cinq jours à Muong Long est un des plus considérables que nous eussions rencontrés[2]. On y trouve ces petits restaurants en plein air, si nombreux dans les villes chinoises et qui sont indispensables aux foules affairées. Du coton qui est apporté par les sauvages Khos, très-nombreux dans les environs, et qui se vend de quarante à quatre-vingts francs le picul, un peu de soie grège de qualité assez grossière, de la cire, du fer, du plomb, soit pur, soit à l’état de minerai, du minerai d’antimoine qui est employé comme remède, du bétel et de l’arec de montagne, des melons, des giraumons, des aubergines, des pastèques, des pommes, des prunes, des goyaves, des oignons, du piment, du poivre, du tabac, de l’indigo solide, des œufs, du poisson frais, de la viande de porc et de buffle, représentent la part de la production

  1. Voyez Atlas, 2e partie pl. XXX.
  2. Ibid, pl. XXXI.