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Les cérémonies quotidiennes du culte sont des plus simples et parfois des plus touchantes. Les fidèles viennent isolément au temple déposer sur l’autel un peu de riz, des fleurs, faire brûler des bougies ou quelques fils de coton imbibés d’huile, pour appeler la bénédiction de Bouddha sur leur famille ou sur leurs champs ; quelquefois on apporte une offrande de viande ou de fruits pour un parent ou un ami en voyage. Le bonze appelé récite une prière à l’intention qu’on lui indique, soit en langue vulgaire, soit en pâli ; cette dernière prière passe pour bien meilleure, mais ne se récite qu’autant que le cadeau est considérable. On verse un peu d’eau pendant l’oraison dans les trous pratiqués à cet effet. Cette sorte de libation est faite en l’honneur d’un génie femelle, nommé Nang Patoram, qui est préposé à la garde des eaux. Les néns enlèvent avant midi toutes les boulettes de riz déposées sur les plateaux à offrandes, et changent matin et soir l’eau de la gargoulette placée devant la statue.

Les bonzes se réunissent régulièrement pour prier : trois fois par jour ils récitent deux à deux devant l’autel une sorte de formule qui rappelle la confession : le plus jeune énumère ses fautes ; le plus âgé lui répond : « Je n’ai rien à te reprocher, mon frère, car moi aussi j’ai péché. » Aux premiers temps du bouddhisme, disent les vieillards, cette prière était d’or, aujourd’hui elle est de plomb.

Les autres prières qui se disent dans le courant du jour sont le plus souvent des extraits de légendes des vies antérieures de Bouddha. Chaque pagode a son histoire préférée. Une prière très-fréquente et très-longue est celle qui consiste à demander que la paix subsiste entre tous les animaux qui vivent sur la terre. Quelquefois on récite de longues litanies où l’on invoque tous les personnages sacrés, Pha En, Phya Nak, et surtout Pha Chom, à qui on demande la pitié (Som ou Meancoum). Les quatre Chatoulo, les trente-deux Yomarat, qui habitent le Noroc (Naraka, probablement un des enfers bouddhistes), les personnages qui président aux points cardinaux et aux jours de la semaine sont souvent nommés pendant les prières.

Les bonzes disent aussi un chapelet partagé en dizaines, que chaque bonze porte à la ceinture. Il se compose de petites prières, répétées chacune dix fois. En voici un exemple : « Aujourd’hui j’ai mangé du riz ; ce riz n’est pas le mien. Que ceux qui m’en ont fait l’aumône voient leurs vœux accomplis et soient heureux. » — Autre : « J’ai des habits ; ils ne m’appartiennent pas, etc. »

Dans leurs habitations, les bonzes s’exercent à la lecture et à la copie des livres sacrés Ces lectures, faites à haute voix et psalmodiées sur une espèce de rhythme monotone, se prolongent le soir assez tard, et, alors que tout autre bruit a cessé, se font entendre d’une extrémité du village à l’autre.

Chez les Lus, quand on commence à prier, on fait en saluant l’autel une foule de gestes de la main comme pour écarter des génies malfaisants.

Les fêtes ont toujours lieu à la nouvelle et à la pleine lune. Les mois sont partagés en deux parties : la première est appelée khang khun, « période de la lune croissante » ; la

    ment. Cette distinction n’existe plus en Indo-Chine, où le mot Chay dey a été détourné de son premier sens et désigne presque toujours un monument contenant une relique.