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quets de six cercles d’un poids de trois livres et demie, et d’une valeur de quatre à cinq francs. Le sel vaut 80 centimes les dix livres et vient, parait-il, en partie de Mang-ko ; le coton est apporté par les sauvages et se vend de 200 à 280 francs le picul. Le riz est bon marché et ne vaut guère que deux sous la livre. Je ne puis m’empêcher de comparer encore les solides campagnardes qui passent dans les rues à ces pauvres Chinoises à la figure enfarinée, à la coiffure haute et roide qui, malgré leurs parures de fête, ressemblent à des invalides à jambes de bois. Dire que tout un sexe est ainsi dans une nation de quatre cents millions d’âmes !

À quelque distance de la pagode que nous habitons, est une source qui dégage de l’acide carbonique. Les habitants, qui n’en font aucun usage, l’ont enfermée dans une pagode, au milieu de laquelle on a fait à l’eau mystérieuse un beau bassin de marbre. Du haut du petit pont, jeté sur le bassin, on voit bouillonner les bulles de gaz au milieu de la mousse qui recouvre les eaux croupissantes.

Nous quittâmes Che-pin le 11 décembre. Nous nous dirigeâmes droit au nord, dans la direction de Yun-nan, et nous ne tardâmes pas à quitter la plaine pour chevaucher au milieu de hauteurs inégales et de gorges étroites inondées de cailloux. Les schistes calcaires dont se composent toutes ces montagnes se brisent avec une facilité extraordinaire et sont entraînés par les pluies le long des pentes sur lesquelles ne les retient aucune végétation. On marche au milieu d’un océan de pierres. Le 12, nous fîmes halte dans un petit vallon qu’arrose un mince filet d’eau ; nous trouvâmes là deux ou trois forges qui traitent un minerai de fer très-riche que l’on extrait à peu de distance. Le mode de traitement est assez primitif. Je n’ai à signaler qu’un soufflet hydraulique que fait mouvoir une roue horizontale frappée par une chute d’eau. On trouve le même moteur employé avec des dimensions plus considérables pour le décorticage du riz. Sur toute notre route nous trouvions des détachements des troupes du Leang ta-jen qui, prévenues de notre passage, venaient à notre rencontre le soir ou nous escortaient le matin.

La végétation avait perdu tout caractère tropical, et de grands cyprès donnaient au paysage une physionomie alpestre. Le 13, nous visitâmes, à Lou-nang, une fabrication de ces chaudières en fonte que l’on trouve dans toutes les cuisines du Céleste-Empire, et de ces bassines en fer qui servent spécialement à la fabrication du sel. On les coule dans des moules en terre composés de deux parties, qui laissent entre elles l’épaisseur de métal que doit avoir la paroi de la chaudière. La pièce est renversée et la coulée se fait par un orifice qui correspond au fond de la bassine. Le moule supérieur est percé de trous, et les deux surfaces intérieures sont enduites d’une espèce d’huile bitumineuse, destinée à empêcher l’adhérence du métal. Nous couchâmes le soir à Nga-pout-chiong, grand village situé sur les bords d’une rivière qui appartient au bassin du fleuve de Canton. La population revêt, à partir de ce point, une physionomie plus nettement chinoise. Les villages lolo disparaissent, et les maisons à terrasses font place aux toits courbes et aigus.

Le 14, après avoir cheminé quelque temps sur des hauteurs arides couvertes de tombeaux, nous aperçûmes à nos pieds la ville de Tong-hay, coquettement assise sur les bords d’un lac, plus grand mais moins pittoresque que celui de Che-pin, qui s’étendait