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la couche de neige qui recouvrait le sol, les maisons et les arbres. En voyant les têtes sveltes de quelques palmiers et la verdure persistante des grands arbres diaprer ce blanc linceul, on eût pu croire à une erreur de la nature. Le feuillage rouge des sumacs, et çà et là les taches noires que formaient les rochers à pic sur le flanc des montagnes, donnaient au paysage un aspect bariolé vraiment original. Le thermomètre marquait au lever du soleil un degré au-dessous de zéro, et de légères plaques de glace nageaient à la surface des ruisseaux et des étangs. À dix heures du matin nous apparut le lac de Kiang-tchouen, encadrant sa nappe d’azur de montagnes couvertes de neige. Ses bords ne sont ni moins peuplés ni moins cultivés que ceux du lac de Tong-hay. Les pentes rougeâtres qui viennent mourir sur les bords de l’eau sont couvertes de plantations de fèves. Mais les hauteurs qui le dominent sont arides et désertes, et l’on n’y trouve guère que des rhododendrons. Une bonne route longe la rive de ce nouveau lac ; elle est souvent en corniche et taillée dans le roc des collines qui viennent baigner dans l’eau leurs pieds abrupts ; elle est défendue contre l’action de la houle du lac par des jetées en pierre. À peu de distance de l’extrémité nord du lac, un bras de rivière, très-court, large et profond, traverse la petite chaîne qui longe la rive orientale et en déverse les eaux dans un second lac d’une dimension beaucoup plus considérable. C’est le lac de Fou-hien, dont les bords ont un aspect grandiose et sauvage ; l’œil ne peut en distinguer le rivage septentrional où s’élève l’importante ville de Tchin-kiang. En passant du bassin du lac de Tong-hay à celui du lac de Kiang-tchouen, nous avions laissé sur notre droite, à peu de distance, la ville de Ning-tcheou, célèbre par ses poteries et les mines de cuivre de ses environs.


EN ROUTE DE TONG-HAY À KIANG-TCHOUEN.

Kiang-tchouen est une ville petite et sale, que les Koui-tse ont brûlée il y a trois ans, mais qui s’est relevée de ses ruines avec cette patiente persévérance et cette indomptable énergie, qui sont les plus précieuses qualités de la race chinoise. Nous y reçûmes un