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SITUATION POLITIQUE ACTUELLE DE LA CONTRÉE.

voquer la guerre contre Xieng Tong. Ils se brouillèrent à leur retour. Après l’échec des Siamois, Maha Say, ne pouvant plus compter que sur lui-même, leva une armée et commença les hostilités contre Chao Phoung et son frère. Il s’empara de Muong Ham, tua l’Ouparaja de sa main sous les murs de Xieng Hong qu’il détruisit et marcha sur Muong Tche. Chao Phoung l’attendait avec une armée sur la route. Le combat restait indécis quand Maha Say reçut deux blessures mortelles. Ses troupes se débandèrent et il alla mourir à Muong Houng. La plupart de ses partisans durent se réfugier sur le territoire de Luang Prabang.

En 1863, les Mahométans du Yun-Nan se présentèrent à Xieng Hong, au nombre de deux cent cinquante. Le roi Chao Phoung intimidé envoya des présents au sultan de Ta-ly. Peu après, les Chinois impériaux lui demandèrent son concours, pendant que l’officier mahométan, qui était près de lui, le pressait de se rendre à Ta-ly. Chao Phoung hésita longtemps, finit par se mettre en route et fut assassiné par le chef de son escorte mahométane (1864). Le pays resta plongé dans un affreux désordre, et les Kongs en profitèrent pour venir au nombre de huit cents ravager les environs de Xieng Hong.

En septembre 1866, les Birmans, profitant des embarras du vice-roi du Yun-nan, entre les mains duquel se trouvait le véritable héritier du trône de Xieng Hong, homme de cinquante ans et d’une grande naissance, couronnèrent dans cette ville le roi que nos lecteurs connaissent déjà. Il est le fils de Chao Phoung et d’une femme du peuple de Muong Long. Aux yeux des Lus, ses droits sont infirmés par la basse extraction de sa mère. Il avait revêtu la robe de bonze et vivait dans un couvent à Muong Nay ; les Birmans l’ont envoyé à Xieng Hong, escorté de deux mandarins de Muong Nay, deux mandarins de Xieng Tong, deux mandarins d’Ava, et cent cinquante soldats birmans. Trois mois après, les Chinois envoyèrent deux officiers, Ou ta-loo-ye et Kao ta-loo-ye avec deux cent quarante hommes, pour recevoir le serment d’allégeance du jeune prince. Ils n’en essaieront pas moins de faire prévaloir leur candidat, dès que les circonstances seront plus favorables.

On voit que nous avions passé à Xieng Hong entre deux guerres. Au moment de notre départ, nous avions reçu des nouvelles qui semblaient faire présager une lutte prochaine entre les Kuns et les Birmans. Le roi et le Pou Souc se querellaient au sujet de l’expédition française, et le mandarin birman, mécontent de la trop bienveillante attitude du roi à notre égard, avait recruté un certain nombre de Phongs, pour les joindre aux soldats birmans qui composaient sa garde habituelle. Le roi avait immédiatement fait justice de cette démonstration hostile, en faisant entourer le logement du Pou Souc et en l’y maintenant, lui et sa petite armée, prisonniers. Il avait en même temps envoyé à Ava des mandarins pour accuser le Pou Souc et pour demander à ce qu’il fût puni de mort à Xieng Tong même, ou tout au moins à ce qu’il fût renvoyé à Ava pour être jugé. À l’appui de sa plainte, le roi énumérait les énormes exactions commises par ce fonctionnaire dans l’emploi de sa charge. L’une d’elles mérite d’être citée : elle ne consistait rien moins que dans l’enlèvement de l’argent provenant de l’impôt de Xieng Hong. Cet impôt, qui s’élevait à sept tchoi d’or et à mille tchoi d’argent, était