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ville voisine qui, à l’origine, peut-être, s’étendait à ses pieds. Quel peuple, en effet, établissant sa capitale dans cette plaine, n’aurait eu l’idée d’édifier un monument sur cette colline, si bien placée pour servir d’acropole et de lieu de ralliement. On peut donc affirmer sans crainte que, si le sanctuaire du mont Bakheng n’est pas l’un des premiers qui aient été élevés par les Khmers, c’est qu’il est venu en remplacer un autre plus ancien. L’état du monument, le style de l’architecture et de l’ornementation n’indiquent point cependant, comme l’a affirmé Mouhot, une antiquité beaucoup plus grande que celle des ruines voisines. Il n’est point étonnant que le sanctuaire actuel ait été ruiné de bonne heure, exposé comme il l’était à la fureur des vents et de la foudre. Si, comme le veut la tradition, les Siamois vainqueurs se sont de tous temps acharnés à la destruction des temples, celui-ci a dû tout d’abord attirer leur colère. Au-dessous du sanctuaire, on rencontre encore, il est vrai, beaucoup de parties ruinées ; mais la plupart des tourelles, les escaliers, les murs de soutènement sont en bon état. Il est possible que ce monument soit antérieur d’un siècle ou deux, peut-être davantage, aux monuments voisins ; mais en aucun cas sa construction ne doit être considérée comme l’enfance de l’art.

Si, en descendant du mont Bakheng, on reprend le chemin qui conduit à Angcor Thom, on laisse à gauche, à peu de distance, un sentier qui contourne la montagne et qui conduit à trois tours en brique, avec portes en grès. Dans l’une d’elles, on remarque un de ces trous profonds, signalés dans le chapitre précédent comme devant avoir servi de sépulture. Par sa position, cette tour semble être celle dont parle l’auteur chinois déjà cité et dont il dit que, suivant la tradition, elle a été bâtie par Lou-pan en l’espace d’une nuit.


§ 5. — Angcor Thom.


À quelques centaines de mètres de cette tour commence la ville d’Angcor. Le grand mur que l’on rencontre tout d’abord n’est autre que la face sud de l’enceinte. Celle-ci est rectangulaire et mesure 3,400 mètres dans le sens est et ouest et 3,800 dans le sens nord et sud. Son développement total est donc de 14,400 mètres. Elle est construite en pierres de Bien-hoa bien appareillées ; sa hauteur est de 9 mètres, et elle s’appuie sur un glacis intérieur qui a de 15 à 20 mètres de largeur au sommet. Tout autour règne un fossé large de 120 mètres et profond de 4 à 5. On y descend des deux côtés par des marches en pierres de Bien-hoa, qui, du côté intérieur, partent du soubassement du mur d’enceinte, du côté extérieur, d’une muraille très-basse dont le revêtement supérieur, large de plus d’un mètre, est en belles pierres de grès.

Au milieu des côtés ouest, nord et sud sont des portes monumentales qui étonnent par leurs dimensions et la puissante originalité de l’ornementation et du dessin. Le côté est en a deux qui le partagent en trois parties égales. On peut ranger sans crainte ces cinq portes parmi les plus belles œuvres de l’architecture khmer. L’ouverture unique qu’elles offrent à la circulation, large de 3m,40, traverse un énorme massif qui fait saillie en dedans et en dehors et qui est relié de chaque côté à l’enceinte par une galerie couverte. La transition du massif au mur est ménagée par des retraits successifs. Le vide considérable des angles