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labyrinthe très-difficile à décrire et que plusieurs dessins combines pourraient seuls interpréter.

En pénétrant dans l’intérieur, on constate que la construction est antérieure à Angcor Wat. Le style est plus fort, plus lourd peut-être. Néanmoins, à certains détails d’une exécution soignée, à la tendance à couvrir les murs de sculptures, on reconnaît que l’art est en pleine maturité et bien près de son apogée.

Au-dessus des galeries, on se trouve sur une large terrasse où le coup d’œil est vraiment extraordinaire. Dans un espace resserré, on voit s’élever autour de soi quarante-deux tours de dimensions diverses. Au milieu est une tour centrale plus haute. Chacune de ces tours porte quatre faces humaines de dimensions colossales, qui regardent les points cardinaux. Il faut s’y prendre à plusieurs reprises pour compter ces tours et comprendre leur mode de groupement.

La tour centrale est une merveille architecturale de premier ordre. Elle a 18 mètres de diamètre et une hauteur considérable ; autour de la base règne une colonnade élégante ; au-dessus régnait une galerie, aujourd’hui presque entièrement détruite ; plus haut enfin, on reconnaît au milieu des ruines la naissance de huit tourelles à base tangente qui entouraient la flèche centrale. Elles étaient éclairées par des fenêtres à barreaux et se terminaient, comme les tours voisines, par une face humaine. La restauration de cette belle tour mériterait de tenter un artiste : ce serait un beau modèle à offrir à ceux qui cherchent des motifs nouveaux pour rajeunir l’art européen.

Une galerie rectangulaire, semblable à celle qui forme le premier étage à Angcor Wat, entoure tout l’édifice. Elle mesure environ 130 mètres sur 120 ; les bas-reliefs qui l’ornaient sont à demi enfouis sous les débris du toit et de la colonnade. Les tours n’apparaissent qu’en dedans de cette première galerie sur le pourtour d’une galerie concentrique qui supporte les seize premières ; leurs bases sont décorées de riches sculptures : ce sont des rois et des reines accompagnés d’une cour nombreuse, des personnages dans l’attitude de la prière, des combats navals des animaux fantastiques ; au-dessus de la porte de la galerie extérieure qui fait face du côté du sud à la galerie aux seize tours est une charmante composition en ronde bosse représentant neuf danseuses ; en arrière, sont trois autres danseuses au milieu d’arabesques fort remarquables (Voy. le dessin, page 66). Dans la tour centrale sont des inscriptions d’une ligne ou deux, dont je donne ci-contre un spécimen. Enfin, çà et là, on retrouve des traces de peinture rouge.

C’est probablement ce singulier édifice que l’auteur chinois déjà cité entendait décrire dans les lignes suivantes : « Dans un endroit de la ville, il y a une tour en or, entourée de vingt autres tours de pierre et de plus de cent maisons également en pierre, toutes tournées vers l’orient. Il y a aussi un pont en or et deux figures de lion, faites de même métal à droite et à gauche du pont. On y voit aussi une statue de Bouddha en or, à huit corps, placée au bas des maisons du côté droit[1]. » Le pont était peut-être jeté sur le fossé, aujourd’hui comblé, qui régnait autour du monument, et la statue de Bouddha, que l’on rencontre

  1. Rémusat, Op. cit., page 43.