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dirige vers l’ouest, on rencontre les vestiges d’un mur, orienté nord et sud, qui déterminait un premier compartiment intérieur sur lequel s’ouvraient les portes de l’est, du nord-est et du sud-est[1]. Ce mur franchi, on a devant soi un belvédère isolé, en forme de croix, supporté par des colonnes rondes — il est marqué e sur le plan —. Un peu plus loin, en un point qui est sensiblement le centre de la ville, s’élève l’édifice appelé Phimanacas ; il se compose de trois terrasses étagées en retrait les unes sur les autres. La construction qui s’élevait sur la terrasse supérieure s’est écroulée il y a quelques années. C’était là sans doute la tour d’or dont notre voyageur chinois mentionne l’existence à l’intérieur du palais. Il n’existe de cette tour que les quatre portes en grès avec avant-corps, et un haut soubassement en pierre de Bien-boa à moulures horizontales. Tout autour de ce soubassement, sur les bords de la terrasse supérieure, règne une galerie voûtée éclairée par des fenêtres sur ses deux faces. Les deux terrasses inférieures sont décorées aux angles de lions de grande faille posés sur des socles ronds. Le même motif décoratif se répète de chaque côté des escaliers ménagés au milieu des quatre faces de l’édifice.

Un peu à l’ouest, on reconnaît les murs détruits d’une enceinte carrée. C’est ce point que la tradition désigne comme l’ancienne habitation des rois. On ne trouve à l’intérieur aucun vestige reconnaissable autre qu’un trou profond et carré, parementé en pierre et semblable à un puits. On lui attribue une destination qu’il est facile de deviner. Singulière ironie du sort ! Le côté ouest de cette enceinte particulière se prolonge de manière à établir une séparation complète au milieu des Enceintes Centrales ; à une cinquantaine de mètres de distance, un mur parallèle détermine encore un nouveau compartiment. Au delà, on arrive au côté ouest des Enceintes ; le mur extérieur présente sur cette face une singularité : au nord de la porte, il se dévie et forme comme une sorte de bastion.

Quelle signification ou quelle importance convient-il de donner à ces nombreux compartiments que nous retrouvons dans la résidence royale ? Permettent-ils de rétablir avec quelque vraisemblance l’ancienne distribution de ses parties ? Les anciens rois khmers, comme aujourd’hui les rois de Siam et du Cambodge, avaient sans doute l’habitude de transformer et de bouleverser les habitations de leurs prédécesseurs, et il n’est possible que d’indiquer des divisions générales. En tenant compte de certains usages du pays qui n’ont pas dû changer depuis les derniers rois d’Angcor, on peut admettre comme hypothèse probable : 1o que le compartiment de l’est avec ses trois portes servait de vestibule au palais, de lieu de réunion pour les gens que leurs affaires y appelaient et les grands du royaume ; 2o que l’habitation du roi était en effet au lieu désigné par la tradition ; 3o que le premier compartiment de l’ouest était destiné aux femmes du roi, le second aux gens de service et à la garde. Le bastion servait à la surveillance extérieure.

En dehors de ce bastion est une très-haute levée de terre qui court parallèlement à la face ouest des Enceintes Centrales. Sur le sommet de cette levée, en face de la porte ouest, on rencontre un amas considérable de pierres, de briques et de tuiles. Il y avait là sans doute une construction habitée.

  1. Dans cette partie des Enceintes, manquent un grand nombre de pierres qui ont été enlevées lors de la construction de la citadelle de Siemréap. (Note du commandant de Lagrée.)