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du type le plus ordinairement adopté par les Khmers : forte carrure de tête, sourcils noirs accentués, nez fort. Les cheveux sont noués au sommet de la tête. On peut dire dans une certaine limite que ce type joue le rôle de la tête romaine en Occident ; il manque de grâce et de finesse, mais il est digne, calme, fort, politique, et on comprend, en l’examinant, que la race cambodgienne soit arrivée à dominer la moitié de l’Indo-Chine. Le long des murs de quelques galeries à colonnes il y a un bon motif d’ornementation formé par les replis d’un dragon qui surmonte les colonnes dessinées sur le mur ; l’espace ainsi encadré était sans doute décoré de sculptures ; mais il n’y en a pas de traces visibles, soit que le travail n’ait pas été terminé, soit que le temps l’ait fait disparaître. On rencontre fréquemment aussi dans l’édifice des Krout tenant des serpents à la main.

Le fossé qui sépare les deux premières enceintes présente le long du mur extérieur et à le toucher une série de petites constructions rectangulaires en briques de 4 m,50 de long sur 2 mètres de large, dont il y aurait à rechercher le but. Y avait-il là comme à Bakheng une garde permanente ?

Ta Prohm est très-vivement attaqué par la végétation, et dans cinquante ans il n’en restera pas pierre sur pierre.

La résidence d’Ekdey est au sud et à très-peu de distance de Ta Prohm ; pour y arriver, on traverse une petite enceinte de pagode. Ce monument est moins grand que le précédent, et presque entièrement ruiné. D’après les indigènes, il contiendrait la statue de la mère du roi Ta Prohm.

La forêt qui entoure Angcor Thom empêche de préciser l’emplacement de ces trois édifices. Nous supposons que Takeo est à la hauteur de la porte N.-E., et Ta Prohm entre les portes N.-E. et S.-E. La rivière d’Angcor coule entre ces monuments et la ville. On la traversait sur un pont, aujourd’hui en partie détruit, qui semble aboutir vis-à-vis de Takeo. Quatorze arches subsistent encore ; peut-être y en avait-il deux ou trois de plus. Le tablier avait une balustrade dont on retrouve des fragments et sa largeur dépasse 10 mètres ; les piles ont 1 m,30 environ ; les arches, — chose singulière — sont un peu moins larges. Le pont est en grès, mais construit, comme l’a dit Mouhot, avec des morceaux de rebut, ou avec les débris d’autres monuments. Peut-être n’avons-nous là qu’une reconstruction du pont par une génération moins habile. Les sables et le bois charriés par la rivière ont encombré les arches, et les eaux se sont portées du côté est, où elles se sont creusé un nouveau lit, en rejetant en aval et à droite des monceaux de pierres.


§ 6. — Leley-Preacon-Bacong[1].


Ces trois monuments sont situés dans le sud-ouest d’Angcor Wat. Leley est un édifice à trois terrasses dont les murs de soutènement sont en pierre de Bien-hoa. Chaque terrasse forme un gradin de 2 mètres de hauteur ; la seconde terrasse est en retrait de 8 mètres,

  1. Ce sont les monuments que le Dr  Bastian, dans le travail déjà cité, désigne sous les noms de Lailan, Bakong et Para Incosi ; les transcriptions qu’il donne de tous les noms et de tous les mots cambodgiens se ressentent de l’intermédiaire siamois qu’il employait pour les obtenir. J’ai conservé dans tout ce travail l’orthographe adoptée pour le cambodgien par les missionnaires et par M. de Lagrée, en modifiant ou en simplifiant les noms