Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/181

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nombre de citoyens des plus distingués avaient péri ; à Cannes seulement deux mille sept cents chevaliers, deux questeurs, vingt et un tribuns des soldats et beaucoup d’anciens consuls, préteurs et édiles, furent tués ; et tant de sénateurs avaient succombé, qu’on fut obligé d’en nommer cent soixante et dix-sept nouveaux, pris parmi ceux qui avaient occupé des magistratures[1]. Mais de si dures épreuves avaient retrempé le caractère national[2]. La République sentait ses forces et sa prospérité se développer ; elle jouissait de ses victoires avec un juste orgueil, sans éprouver encore l’enivrement d’une trop grande fortune, et de nouveaux liens s’étaient formés entre les différents peuples de l’Italie. La guerre contre une invasion étrangère, en effet, a toujours cet immense avantage de faire cesser les divisions intérieures en réunissant les citoyens contre l’ennemi commun. La plupart des alliés donnèrent des preuves non équivoques de leur dévouement. La République dut son salut, après la défaite de Cannes[3], au concours de dix-huit colonies, qui fournirent des hommes et de l’argent. La crainte d’Annibal avait heureusement affermi la concorde à Rome comme en Italie : plus de querelles entre les deux ordres[4], plus de scission entre les gouvernants et les gouvernés. Tantôt le

  1. Tite-Live, XXIII, xxiii.
  2. Q. Metellus disait « que l’invasion d’Annibal avait réveillé la vertu du peuple romain déjà plongé dans le sommeil. » (Valère Maxime, VII, ii, 3.)
  3. Le sénat demanda à trente colonies des hommes et de l’argent. Dix-huit donnèrent l’un et l’autre avec empressement, ce furent : Signia, Norba, Saticulum, Brindes, Frégelles, Lucérie, Venusia, Adria, Firmium, Rimini, Ponsa, Pæstum, Cosa, Bénévent, Isernia, Spolète, Plaisance et Crémone. — Les douze colonies qui refusèrent de donner des secours, prétendant qu’elles n’avaient plus ni hommes ni argent, furent : Népété, Sutrium, Ardée, Calès, Albe, Carséoles, Sora, Suessa, Setia, Circeium, Narni, Interamna. (Tite-Live, XXVII, ix.)
  4. « Les querelles et la lutte des deux partis eurent pour terme la seconde guerre punique. » (Salluste, Fragments, I, vii.)