Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/205

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de laisser aux nations une certaine indépendance, il poussait le sénat à les réduire toutes sous sa domination ; au lieu d’adopter avec un discernement éclairé ce qui venait de la Grèce, il condamnait indistinctement tout ce qui était d’origine étrangère[1]. Il y avait dans l’austérité de Caton plus d’ostentation que de vertu réelle. Ainsi, pendant sa censure, il chassa Manilius du sénat pour avoir, en plein jour, donné un baiser à sa propre femme devant sa fille ; il se plaisait à régler la toilette et le luxe des dames romaines ; et, par un désintéressement exagéré, il vendait son cheval en quittant l’Espagne, afin d’épargner à la République les frais de transport[2].

Mais le sénat comptait des hommes moins absolus, plus sages appréciateurs des besoins de l’époque : ils désiraient réprimer les abus, faire prévaloir une politique de modération, mettre un frein à l’esprit de conquête et accepter de la Grèce ce qu’elle avait de bon : Scipion Nasica et Scipion Émilien figuraient parmi les plus importants[3]. L’un ne repoussait pas tout ce qui devait adoucir les mœurs et augmenter les connaissances humaines ; l’autre cultivait les muses nouvelles et passait même pour avoir aidé Térence.

On ne pouvait arrêter le penchant irrésistible du peuple vers tout ce qui élève l’âme et ennoblit l’existence. La Grèce avait apporté en Italie sa littérature, ses arts, sa science, son éloquence ; et lorsqu’en 597 vinrent à Rome trois philosophes célèbres, l’académicien Carnéade, le stoïcien Diogène et le péripatéticien Critolaüs, ambassadeurs d’Athènes, ils produisirent une immense sensation. La jeunesse accourut en foule pour les voir et les entendre ; le sénat lui-même

  1. Caton, sachant le grec, se servit d’interprètes pour parler aux Athéniens. — (Plutarque, Caton le censeur, xviii.) C’était en effet une vieille habitude des Romains de ne parler aux étrangers que latin. (Valère Maxime, II, ii, 2.)
  2. Plutarque, Caton le censeur, viii et xxv.
  3. Tite-Live, Epitome, XLVIII. — Valère Maxime, IV, i, 10.